Alan Techer (Targobank, CEV Moto2) : « Mon podium est un pied de nez aux gens qui disaient que j’étais fini »

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Publié le 07/05/2014 avec Un commentaire

Pour sa première course du Championnat Espagnol de Vitesse (CEV) a Jerez il y a un mois, et pour la première fois sur une Moto2, Alan Techer, transfuge du Championnat du Monde Moto3, a réalisé l’incroyable performance de se hisser sur la troisième marche du podium.

Pour OffBikes, il revient sur son expérience Espagnole, et sur ses différents choix.

Propos recueillis par : Line.

Première épreuve et premier podium pour Alan Techer. Son objectif : être devant. (Photo : ©DR)

Première épreuve et premier podium pour Alan Techer. Son objectif : être devant. (Photo : ©DR)

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  • Comment s’est déroulée, pour toi, la première manche du CEV à Jerez en début de mois ? 

J’avais très peu roulé cet hiver, la moto n’était pas prête, donc je n’ai pu faire que la moitié des tests pré-CEV. Une concession proche de chez moi, Moto Attitude à Grasse, m’a prêté une R6 pour que je puisse rouler un peu et m’habituer à une machine plus puissante. Mais en dehors de ça, j’ai énormément manqué de chance et j’ai eu pas mal de soucis, notamment aux tests de Jerez où j’ai eu des problèmes d’embrayage, de fuite moteur… Que des galères ! Pour le week-end de course, j’étais très motivé. Ma première séance libre n’était pas trop mal, et ma première qualification était très bonne puisque j’ai fait le 5ème temps. J’ai réussi à améliorer encore pour ma deuxième qualification, mais il y a eu un souci au niveau du poids : apparemment, j’étais deux kilos en dessous du poids pilote + moto imposé. Mon chrono de qualification a donc été annulé et je suis parti 7ème sur la grille. Le départ n’est pas mon fort (rires), et d’autant moins avec une Moto2. Comme je suis un petit gabarit et que je n’ai pas des gros bras, j’ai du mal à mettre beaucoup de poids sur l’avant et comme la moto est puissante, elle déleste beaucoup et pour un départ, c’est gênant. Ça m’a obligé à faire une belle remontée et une course solide, donc je suis très satisfait de ce que j’ai pu montrer. Et puis c’est vrai que la chance est revenue au bon moment (rires) !

  • Tu termines sur le podium. Toi qui était attendu au tournant du fait de ton passé en Grand Prix, penses-tu que ce résultat a satisfait ton entourage ?

Je sais que mon équipe était très heureuse. Je pilote une Mistral, qui est une machine assez décriée, et si je suis là c’est en grande partie grâce à l’équipe Tech 3 qui est derrière moi et me fait rouler en me fournissant une moto et en m’aidant sur le plan technique. Leur offrir un podium pour leur première course en CEV, je pense que ça ne pouvait que leur faire plaisir, d’autant que cela contribue à prouver que leur machine a les capacités de se battre devant dans un Championnat international Un de mes ingénieur travaillait en Grand Prix, ce n’est par pour rien. Evidemment tout ça m’apporte énormément, notamment un soutien infaillible qui pourrait m’ouvrir des portes importantes à l’avenir.

  • Est-ce que tu penses que ça a également permis de faire taire tes détracteurs ?

Oui. C’est un plaisir de revenir en haut de l’affiche, et c’est aussi un pied de nez aux gens qui disaient que j’étais fini parce que j’avais fait une saison difficile. Les gens ne voient pas toutes les difficultés matérielles, techniques ou même morales que l’ont peut rencontrer sur une saison, ils ne voient que le résultat à la fin de chaque course. Donc là, je leur ai donné un résultat. J’aurais du terminé 5ème, il se trouve que les deux leaders tombent, mais dans tous les cas, j’ai prouvé que j’étais capable de jouer des Top 5 grâce à ma volonté et à mon expérience. Je vais tout mettre en oeuvre pour que ce soit le cas à chaque course.

  • Le CEV, c’était donc la bonne solution pour toi ?

Pour moi oui, j’en suis convaincu. Rester en Championnat du Monde dans les mêmes conditions que la saison dernière et avec le même matériel, c’était hors de question. Il m’arrivait d’en pleurer sur les courses, je n’en pouvais plus. Je me remettais sans cesse en question : est-ce que c’était moi, la moto, l’équipe ? Dans tous les cas il y avait un souci, alors rester en Grand Prix pour rester en Grand Prix, je ne préférai pas. J’aurais également pu aller rouler en Championnat de France d’autant que c’était beaucoup moins cher, mais mon but est de retourner en mondial le plus rapidement possible, donc le CEV était le meilleur compromis. Je dois donc m’assurer d’être aux avant-postes toute la saison.

  • Est-ce que cela facilite également ton apprentissage de la Moto2 ?

Bien sûr ! L’écart Moto3 – Moto2 est énorme, mais l’écart Moto2 CEV – Moto2 mondial l’est aussi. Le step est très important d’une catégorie à l’autre, et encore plus si on le franchit en Championnat du Monde. En changeant de Championnat pour entamer mon apprentissage, je pense vraiment gagner du temps et être plus efficace, car c’est un parcours beaucoup plus progressif. Le niveau en CEV est très relevé, donc je ne perds pas en qualité de pilotage, je prends juste un chemin différent.

  • La prochaine course aura lieu à Aragon au mois de Juin, comment te sens-tu ?

Ce n’est pas un circuit que j’apprécie particulièrement, il est très technique avec des enchaînements de virages très particuliers. Je vais aller y faire les tests pré-CEV, 15 jours avant, pour m’entraîner, parce que j’ai besoin de cumuler du roulage.

  • Qui as-tu gardé de ton entourage de la saison dernière ?

Pas grand monde en réalité… L’alchimie n’a pas prise, mais je tiens à dire que je ne remets pas du tout en question les compétences des gens avec qui j’ai travaillé. Les personnes qui m’entouraient étaient très compétentes mais avec moi ça n’a pas marché. De toute façon c’était aussi mieux pour moi, car je tenais à prouver à certains que je n’en suis pas là que grâce à eux, et je ne voulais plus rien devoir à personne. Je préfère travailler tout seul, ça m’aide mentalement. La seule personne qui continue de m’aider, et à qui je dois beaucoup, c’est mon père.

  • Penses-tu avoir gagné en maturité depuis la saison dernière ?

C’est certain. Déjà, c’est tout bête, mais en ce moment pour ne pas être trop dans la galère, je travaille dans une pépinière près de chez moi, la pépinière Ste Marguerite, et le simple fait de me lever tous les matins à 6H30, ça fait grandir ! Après mon bac je n’ai pas continué les études, j’ai pris une année sabbatique que j’ai consacré à la moto, donc maintenant je ne fais pas le boulot le plus sympa ni le moins physique du monde, mais ça me donne un rythme et ça me fait du bien. Après mes journées, je vais au sport pour continuer à m’entraîner, donc autant te dire que je suis assez fatigué. Par contre, je suis étonnamment très performant : mes chronos en course à pied, à vélo, ma force physique, tout est bien meilleur qu’avant alors que je suis épuisé ! Donc je n’ai qu’une hâte, retourner en Grand Prix pour mettre ça à profit, que ce soit ce que j’ai gagné mentalement ou physiquement.

  • Quel est ton objectif à court terme, sur les deux ou trois prochaines courses ?

Ce que je dois faire, c’est jouer les avant-postes à chaque course. J’ai deux buts très précis : remonter sur le podium maintenant que j’y ai goûté, et le second qui est un peu plus ambitieux, gagner à Barcelone à la fin du mois de Juin. C’est un circuit que j’apprécie beaucoup, mes proches seront présents, donc j’ai vraiment envie d’y signer une victoire. Je ne dis pas que je vais y arriver ni même que ce sera facile, mais c’est vraiment ce que j’aimerais. Et même si ce n’est pas Barcelone, tant pis, l’objectif de ma saison est de gagner au moins une course.

  • Beaucoup de gens pensaient que tu avais du mal à gérer la pression. Est-ce toujours le cas ?

C’était peut-être le cas, mais cette année j’en ai beaucoup moins, donc le problème ne se pose pas jusqu’à présent. Bien sûr je me la mets un peu dans le sens où je ne dois pas perdre de temps pour retourner en mondial, je ne peux pas me permettre de passer 4 saisons en CEV. Mais dans mon équipe, il n’y a que des personnes extrêmement professionnelles, par exemple mon Chef Technicien qui, avant moi, s’est occupé de pilotes comme Mamola ou Spencer… Ce genre de personnes m’apprennent énormément, notamment à me concentrer sur comment procéder pour que ma moto soit performante, sans me donner des obligations de résultats pour lesquels on ne se donne pas peine de chercher à comprendre ce qui ne va pas. À la fin de la saison dernière, peu importe que ce soit venu de moi ou de l’équipe, la moto ne fonctionnait plus correctement. Je sais que le team a dit le contraire, que la moto était une balle, et que le public l’a cru, mais ce n’était pas le cas. Du coup je me suis énormément remis en question, et en moto, quand tu commences à trop douter de toi, ça ne peut plus fonctionner. Donc ce n’était pas juste une question de pression, c’est l’ensemble qui n’allait plus, et notamment le matériel qui était à notre disposition. Quand je vois que cette année, mon ancien coéquipier est chez Aspar et fait des Top 15, je pense que ça prouve qu’il était déjà capable de mieux l’année passée, mais qu’il n’avait pas les moyens de le faire dans cette équipe.

Alan Techer estime avoir sa place en mondial. (Photo : ©DR)

Alan Techer estime toujours avoir sa place en mondial. (Photo : ©DR)

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  • As-tu été surpris par le nombre incroyable de réactions positives suscitées par ton podium à Jerez ?

Oui ! Je remercie d’ailleurs toutes les personnes qui m’ont soutenu et félicité… Après, bien sûr, ça me fait doucement rire de voir que beaucoup de gens qui m’ont mis plus bas que terre à la fin de la saison dernière, en disant que je ne savais pas rouler ou que je n’avais pas ma place en mondial, font partie de ceux qui me félicitent aujourd’hui. Mais je les remercie quand même (rires) !

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OffBikes
 remercie Alan Techer pour sa disponibilité et sa gentillesse. Retrouvez-le sur sa page Facebook, son compte Twitter.

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