Alan Techer : “Si tout devait s’arrêter demain, je n’aurais pas de regrets.”

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Publié le 22/11/2013 avec 2 Commentaires

Une longue saison de malchance, voilà ce qu’on pourrait dire de cette année 2013 lorsque l’on pense à Alan Techer. Le Français, pilote officiel du CIP sur une Honda TSR, a d’ailleurs terminé la saison en se brisant le poignet à Valence, ultime épisode de sa mauvaise fortune.

C’est à cette occasion que le jeune homme a décidé de se confier une fois de plus à OffBikes, et en gardant le sourire. Alan à qui nous consacrions d’ailleurs notre deuxième épisode du Dossier Pilotes Français, avant même le début de la saison (lire ici)…
Une entrevue à coeur ouvert, où tout est dit, le bon comme le mauvais. L’opportunité pour Alan de s’exprimer sur son avenir, incertain, et sur les difficultés que représentent le fait de trouver le budget – exorbitant – nécessaire à une saison en Championnat du Monde.

Un bel exemple de simplicité et d’honnêteté.

Propos recueillis par : Tom.

Alan Techer est déçu de sa chute et de cette fin de saison. Le CEV semble la piste envisagée en 2014 pour le pilote Français. (Photo : Thomas/OffBikes)

Alan Techer est déçu de sa chute et de cette fin de saison. Le CEV semble la piste envisagée en 2014 pour le pilote Français. (Photo : Thomas/OffBikes)

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  • Quel est ton bilan de cette saison 2013 ?

C’est une année décevante pour moi et mon équipe. Ce que je souhaitais en début de saison, c’était être régulièrement dans les points, donc autant dire que c’est un échec pour moi. Ensuite, même si l’on a réussi quelques coups d’éclat – comme ma 6ème place au Qatar, ou encore à Barcelone où je termine 13ème en partant du fond de grille – et si j’ai fait quelques belles courses, j’ai pas mal manqué de chance. Je me suis fait percuter 4 fois dans l’année, c’est la première fois que ça m’arrive. Et là, je me casse le poignet pour la dernière course de la saison… Bref. Je pense aussi avoir manqué de maturité et d’un peu d’expérience : dans des conditions difficiles, je n’ai pas réussi à me montrer autant que ce que j’aurais du. Donc dans la globalité, c’est une année décevante, même si on a pris quelques points, ce qui était à mon avis le strict minimum.

  • As-tu des choses à reprocher à ta moto, au fait d’avoir eu une Honda ?

Effectivement, le fait d’avoir une Honda – et qui plus est une TSR, ne m’a pas vraiment aidé, et on n’était que deux dans ce cas. Du coup, pour tout ce qui est télémétrie et données, je n’ai eu aucun élément de comparaison si ce n’est mon coéquipier et mes propres chronos de l’année dernière. Et en l’occurrence, je suis deux secondes plus vite que l’année dernière, et au minimum 6 dixièmes plus vite que mon coéquipier partout sur la saison. Donc si on regarde ces indicateurs là, je me suis amélioré par rapport à mes références. Mais le fait de n’en avoir aucune autre nous a empêché d’aller jusqu’au bout des capacités de la machine : encore aujourd’hui, mon équipe est bien incapable de dire si la moto pourrait ou non gagner une seconde… L’année dernière, à la même période, je signais mon contrait de cette année. Et à ce même moment, il était convenu qu’on aurait un soutien TSR, des ingénieurs Japonais qui viendraient nous aider, et on n’a jamais rien vu.
Donc je ne remets pas du tout en cause mon équipe, qui a fait de l’excellent travail avec les éléments qu’elle avait, mais plutôt l’équipe TSR qui n’a pas tenu ses engagements.

  • Est-ce que tu as des pistes pour l’année prochaine ?

Des pistes oui, mais des pistes à 300 000 euros, et personnellement je ne les ai pas. Aujourd’hui, un ticket d’entrée en Moto3 coûte entre 200 et 300 000 euros, plutôt 300 que 200 d’ailleurs, et je ne peux pas me permettre de mettre ma famille dehors pour rouler. Ça ne rime à rien, parce que si je sais qu’avec du bon matériel je pourrais être aux avants-postes, je ne peux pas non plus dire que je serais à coup sûr Champion du Monde. Donc c’est vrai que je suis prêt à énormément de sacrifice, mais pas celui-là. Si on me donne le matériel qu’il faut, je serai devant et pourrai jouer des Top 6 ou Top 7 tous les week-end, mais ce ne sera pas facile de faire mieux car les premiers roulent vraiment très vite. C’est tout ce que je peux dire.

  • Après, il y a d’autres options, comme le CEV qui devient Européen l’année prochaine, non ?

Ça fait effectivement partie des choses auxquelles je réfléchis. De toute façon, aujourd’hui j’ai une grosse carte à jouer : celle d’être pilote de Grand Prix en Championnat du Monde. Ça me permet d’avoir des « entrées », par exemple en Supersport ou en Superstock600, où mon expérience peut-être un excellent atout. L’autre serait le Championnat d’Europe, en Moto2 ou en Moto3, sachant que si je vais en Moto3, en arrivant du Mondial, je n’ai pas le droit à l’erreur et je dois être dans le Top3 tous les week-ends. Sinon, les gens se diront que je suis fini. Donc il faut que je fasse un choix intelligent. Tout est envisageable, aujourd’hui le critère principal reste de toute façon le budget.
Il n’y a rien de plus difficile que de démarcher des sponsors, alors même que je connais du monde, et en redescendant d’un étage, ça promet d’être encore plus dur.

  • En termes de soutien, considères-tu que le CIP t’a été d’une grande aide ? Est-ce que tu t’es senti poussé par ton équipe ?

Oui… (il réfléchit) De là à dire sur toutes les courses, je ne sais pas. Quand Alain (Bronec, NdR) est en bord de piste, qu’il m’observe, et qu’il me conseille derrière, oui. Ce qu’il dit est vrai, construit, je l’applique et ça marche. Donc dans des moments comme ça, oui. Après… ça n’a pas été le cas pour toutes les courses. Mais bon, j’ai acquis de l’expérience et je sais que tous les membres de l’équipe ont donné le meilleur d’eux-mêmes toute l’année, et ce dans les bons comme dans les mauvais moments, quels que soient les résultats. Si on avait eu une meilleure moto, les choses auraient été différentes.

  • L’année prochaine, le CIP passe sur des Mahindra. Penses-tu qu’en restant dans l’équipe, tu aurais eu ta carte à jouer sur cette moto ?

Oui, je pense. Même si ce n’est pas la top moto, qui restera sûrement la KTM, on sait qu’elle est capable de terminer régulièrement dans les 5. Donc oui, si je l’avais eu, je pense que j’aurais pu faire mieux. Quand on voit Oliveira qui fait des podiums malgré les Honda et KTM Factory, franchement je pense qu’il y aurait eu de quoi marquer des points tous les week-ends.

  • Il semblerait que tu envisages aussi le Championnat de France en dernier recours ?

Si je n’ai rien d’autre, c’est une possibilité. Mais si j’y vais, honnêtement, ce sera pour ne pas payer, ou très peu. Car ça reste un Championnat dont le niveau n’est pas forcément très élevé, quoiqu’on en dise. Avant d’être mon métier, la moto est ma passion et mon loisir. Quand j’ai commencé il y a 12 ans de ça, c’était une histoire d’amour, un truc entre père et fils. Donc ça le reste, mais pas à n’importe quel prix.

  • Est-ce que la FFM te donne un coup de main pour l’avenir, pour trouver du budget, des sponsors ?

Honnêtement, cette année, la Fédération m’a énormément aidé, je pense même que je suis le pilote Français qui a été le plus subventionné. Mais avec l’année que j’ai passé, je ne peux pas compter sur le fait que ça continue. Et même si elle me donnait la même chose l’année prochaine, j’aurais encore plus de 200 000 euros à apporter… Donc il faut être réaliste : quoiqu’il arrive ce sera compliqué.

  • Et est-ce que le fait d’arrêter ta carrière t’a déjà traversé l’esprit ? L’idée de tout abandonner ?

Pas encore… (il réfléchit) S’il faut le faire, je le ferai, et je me dirai que j’ai eu la chance de vivre une très belle expérience : j’ai couru en Championnat du Monde, j’ai voyagé, j’ai touché le très haut niveau du sport qui me passionne. Si tout devait s’arrêter demain, ce que je n’espère pas, je n’aurais pas de regret et ça resterait la meilleure période de ma vie. Mais bon, je pense que je trouverais toujours quelque chose pour l’année prochaine… Malgré le volume que je viens de me mettre !

  • Comment expliques-tu ta chute d’ailleurs ? La pression ?

Non, pas du tout. Je dirais plutôt un mauvais choix de pneus, et le fait d’avoir été trop gourmand. C’était le dernier GP, la dernière occasion de se montrer en faisant un bon résultat, et j’ai voulu trop en faire. À cause d’une gomme trop dure, je me casse quelque chose alors que j’aurais pu ne rien avoir et courir demain… C’est juste la malchance de l’année qui continue (rires) !

Un dernière apparition d'Alan Techer au guidon de la TSR-Honda de l'équipe CIP. (Photo : Thomas/OffBikes)

Un dernière apparition d’Alan Techer au guidon de la TSR-Honda de l’équipe CIP. (Photo : Thomas/OffBikes)

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Une immense merci à Alan Techer pour sa disponibilité et sa gentillesse, ainsi que pour avoir répondu à toutes nos questions sans langue de bois et avec la simplicité qui le caractérise.

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