De l’autre côté des Pyrénées, en Espagne, beaucoup de Français s’illustre en vitesse à commencer par Fabio Quartararo en CEV Moto3. Sur ses traces, Aurel Nyul-Verlaque évolue en Championnat Méditerranéen de Vitesse au sein de la Coupe Rieju RS3. Rencontre avec ce jeune pilote français de seulement 12 ans et sur ses objectifs pour les saisons à venir : Red Bull MotoGP Rookies Cup et CEV font partie de la liste.
- Tu fais partie de la nouvelle génération de pilotes français, peux-tu nous présenter brièvement ton parcours ?
J’ai commencé la moto vers 5 ans et demi lorsque nous sommes partis piqueniquer dans la garrigue varoise. Ensuite, j’ai appris à passer les rapports sur une YZ50 de 1983, que j’ai toujours d’ailleurs. Je m’en sers pour me déplacer dans les paddocks. À 7 ans, mon père m’a acheté une KTM SX65 et j’ai pratiqué un peu de cross en championnat de Provence. Mais ça ne me plaisait pas.
Et puis, en 2009, le déclic. J’ai participé aux Conti Days à Alès, sous la pluie. À l’époque, Conti faisait beaucoup pour les petits. À Noël 2010, j’ai trouvé une Conti 70 2-Temps sous le sapin. J’avais 9 ans. Nous sommes aussitôt allés nous entrainer sur les circuits de karting. J’ai posé le genou pour la première fois à Carcassonne, je m’en souviens encore.
En 2011 j’ai débuté en Championnat de France. Mais à la mi-saison, nous sommes allés faire une course de MiniGP à Alcarras… la claque ! Mon père m’a dit « bienvenue en mondial » (rires). Il y avait au moins 30 pilotes, des anglais, italiens, espagnols et même un sud-africain. Le paddock était bondé et le dimanche les tribunes étaient pleines. Nous avons été accueillis à bras ouverts. J’ai participé à toutes les courses avec ma propre moto. La progression a été fulgurante. En 2012, j’évoluais dans un team privé toujours sur Conti. Le but était d’apprendre le haut niveau et surtout les circuits. Je finissais régulièrement dans le Top10. En 2013, rebelote, mais, les objectifs étaient revus à la hausse : j’ai souvent terminé dans le Top5.
Cette saison la fédération catalane nous a proposé un guidon pour courir la coupe Rieju dans le cadre du CMV (Championnat Méditerannéen de Vitesse). C’est une opportunité. La fédération m’a clairement confié vouloir favoriser ma progression jusqu’au haut niveau.
- Quel bilan peux-tu dresser de cette première partie de saison en Coupe Rieju ?
Honnêtement, je me suis tout de suite senti bien sur cette moto. Venant du miniGP, j’avais un peu d’appréhension. Apprendre les grands circuits, les grandes roues ou encore une moto 4-Temps. En fait, je suis monté sur le podium à Navarra dès ma première course. C’est vrai qu’on est que 6 dans cette catégorie, car c’est la première année de la coupe. Mais les motos sont toutes identiques. Tout se joue au pilotage et nous roulons en paquet. La moto est agréable à piloter. Elle impose de passer rapidement en courbe pour aller vite. Je sens que je ne vais pas tarder à poser le coude au sol. À Calafat, je rate le podium dans le dernier virage après être sorti trop large, au-delà du vibreur. Sanction immédiate, je perds deux places, c’est de ma faute. À Barcelone, je chute durant la qualification après 3 tours, alors que j’étais dans les meilleurs temps. Direction l’hôpital, entorse cervicale, pas de course possible. J’ai demandé aux médecins si je pouvais faire la deuxième manche, ils ont aussitôt pensé que j’étais fou. La prochaine course aura lieu à Aragon et je compte bien reprendre ma place.
- D’un point de vue technique, quelles sont les caractéristiques de la Rieju RS3 ?
C’est une machine dérivée de la série : la Rieju RS3 125cc. Le châssis est de série, le moteur reçoit un kit 180cc, un gros carburateur, c’est tout. Elle fait 18cv. La fourche, l’amortisseur, les roues les freins, les carénages sont des pièces racing, c’est du très bon matériel. Le shifter est interdit et l’électronique reste stock. La Fédération Catalane veut proposer une formule pas chère (4600 EUR pour une moto apte à participer) pour favoriser l’avènement des jeunes du MiniGP vers le CMV. En 2015, une quinzaine de pilotes est prévue. La moto est saine, très rigide et facile d’entretien. Pour aller vite, il faut rentrer très tard en courbe et lâcher les freins le plus tôt possible. C’est une très bonne école.
- Quels sont les avantages et les inconvénients par rapport à une Moto4 ?
B&G compétition est venu à ma rencontre à Barcelone. Ils finalisent une Moto4 Honda et souhaitent que je roule avec eux afin qu’elle soit prête pour 2015. Aussi je pourrai répondre à l’issue des premiers tests qui auront lieu courant aout. Ce que je peux simplement dire c’est que ma Rieju fait 18cv pour environ 100kgs. Une Moto4 fait environ 25cv pour 70kgs. Le Team FCM RACC dans lequel j’évolue cette saison apporte de nouvelles pièces moteur en provenance directe de Rieju Racing. Le but étant que le moteur prenne ses tours beaucoup plus vite avec une meilleure accélération pour réduire l’écart avec les Moto4.
- Tu fais partie des quelques Français partis en Espagne pour participer à différents championnats, pourquoi ce choix ?
Oui, nous sommes quelques-uns. Nous avons débuté ensemble. La raison est d’abord et avant tout pour le niveau. Ensuite, tout est plus facile en Espagne. L’accès aux circuits, les teams, les entrainements… En France, je roule seul. En Espagne, il faut toujours donner son meilleur niveau, car il y a 15 pilotes sur la piste. Je n’ai que 12 ans et il m’est très difficile d’accéder aux circuits en France. Heureusement, je peux rouler avec mon club (Moto-Club du Beausset) ou à Rivesaltes.
Plus globalement, on peut faire du cross ou du dirt-track, du supermotard et rouler avec une bonne météo pratiquement toute l’année. Là-bas, je suis dans mon élément.
- Que manque-t-il à la France pour rivaliser avec l’Espagne ?
Très vaste sujet ! Je ne connais pas les actions menées par la FFM alors je me garderai de porter un jugement. Ils nous ont toujours invités une fois par an à Alès et nous y allons avec plaisir. Je dirai que c’est culturel. En Espagne la moto est un sport roi, comme le football. Aussi est-il plus facile d’avoir des infrastructures de masse. En France, c’est l’approche individuelle qui est privilégiée. Je pense aussi qu’il faudrait favoriser le pocket-bike sur les circuits de karting, en créant une coupe pour les tout petits à partir de 5 ou 6 ans. Et puis le travail, le travail et encore le travail.
- Quel est ton programme pour le reste de la saison ?
Terminer la Coupe Rieju en haut du classement est mon objectif premier. Je vais également travailler avec un coach, Guillaume de B&G Compétition autour de la Moto4. Il se peut aussi que je fasse des tests PreMoto3 avec BeOn. Je vais également participer à une course endurance à Alès en octobre. Si la Moto4 est prête, nous voulons participer à la dernière manche de la Copa España à Navarra. Le reste du temps, je m’entraine avec mon YZ85 que le Moto-Club du Beausset m’a acheté, un grand merci à eux.
- Quelles sont tes perspectives pour la saison 2015 et pour l’avenir (CEV, Red Bull) ?
Mélanie Cazassa, responsable de ma communication qui se donne corps et âme pour ses jeunes pilotes, souhaite que je tente la sélection de la Red Bull MotoGP Rookies Cup. Je ne suis pas certain que ce soit la bonne solution. Nous verrons, je ne veux pas m’éparpiller. L’objectif pour l’instant est de rester dans les formules de la Fédération Catalane. Ils nous donnent les moyens de rouler gratuitement et veulent me suivre sur plusieurs années. C’est un long travail, ils s’investissent beaucoup pour nous. J’ai des opportunités pour accéder en Moto4 ou en Copa Honda où les redoutables Espagnols ne font aucun cadeau. Ce qui est certain, c’est que je resterai en Espagne. À long terme, le but est d’arriver en CEV. Je tiens à remercier mes partenaires de m’avoir donné cette chance.