Deuxième partie de notre entrevue avec Christian Sarron (voir la première partie ici). Après une rétrospective de sa carrière en compétition, nous revenons, en sa compagnie, sur sa vision de la vitesse au niveau Français ainsi qu’au niveau mondial.
- Vous avez récemment rejoint la FFM à la filière vitesse pour contribuer à la détection de pilotes (voir résumé des détections à Alès en Aout 2013), pouvez-vous nous expliquer votre rôle ?
Mon rôle est de regarder, au niveau national, les pilotes sur lesquels nous pourrions placer nos espoirs afin qu’un jour ils portent les couleurs de la France au plus haut niveau. Même si je suis en phase d’observation pour le moment dans les championnats nationaux, j’essaie d’observer et de conseiller les pilotes talentueux. D’autre part, le but de la Fédération est de constituer un « vivier » avec de nombreux pilotes de talent.
Bien évidemment, cela peut prendre quelques années. Mais nous espérons que ces pilotes pourront évoluer en GP, seront capables de gagner et, pourquoi pas, d’être sacrés Champions du Monde. En France, malgré un nombre conséquent de licenciés en vitesse, il y a beaucoup moins de pilotes engagés dans les championnats pour les jeunes que ce n’est le cas en Espagne, par exemple. C’est donc la volonté de la Fédération et de Jacques Bolle, son président, de promouvoir la vitesse auprès des jeunes et cela, par exemple, avec un vrai championnat « 25 Power » (moins de 25 chevaux, NdR). Mon rôle est donc de lui rapporter mes observations.
- Pensez-vous que certains championnats, comme le championnat de France FSBK toutes catégories confondues, manquent légèrement de niveau par rapport aux championnats espagnols ou italiens ?
Effectivement, lorsqu’on parle de vitesse, on doit regarder en Espagne. Mais c’est bien justement là le souhait de la Fédération de rehausser le niveau Français. Je ne suis arrivé qu’en juillet, mais j’ai pu voir des courses Promosport, des courses FSBK et autres Coupes Yamaha ou d’Endurance. Je n’ai pas encore vu de courses du Championnat de France Moto3. J’ai simplement pu suivre les résultats. À la vue de ces résultats, nous avons un pilote Français qui est très fort puisqu’il a gagné le CEV Moto3, c’est Fabio Quartararo, mais il est encore trop jeune pour intégrer les GP. J’ai remarqué aussi en France qu’il y a quelques jeunes pilotes de talent, mais qui ne sont pas encore arrivés au niveau des GP. Il faut leur laisser l’âge et le temps d’y arriver.
J’attends la saison 2014 avec impatience afin de voir comment se débrouillent nos pilotes. Et nous espérons tous la confirmation des espoirs que nous avons placés sur quelques-uns de nos pilotes français.
- Côté pilotes Français, la saison 2013 a été compliquée pour Randy De Puniet en CRT, Louis Rossi en apprentissage de la catégorie Moto2 et Alan Techer qui se cherchait beaucoup sur la Honda-TSR. Johann Zarco, Mike Di Meglio et Alexis Masbou ont montré de belles choses. Pensez-vous que nos pilotes aient la possibilité (moyens, reconnaissance) de remporter un championnat aujourd’hui ?
Pour Louis Rossi, ça a été très dur. Laissons-lui la chance de démontrer ses possibilités dans sa nouvelle équipe. De même pour Alan Techer. Johann Zarco a terminé la saison 2013 sur le podium, il vient d’intégrer une nouvelle équipe et nous attendons beaucoup de lui en rappelant qu’il est un de nos meilleurs espoirs de podiums en GP pour 2013. Mike Di Meglio rejoint la catégorie Open en MotoGP et aura tout à prouver. Alexis Masbou a lui aussi montré un vrai potentiel en fin de saison. On espère que sa nouvelle machine lui donnera la chance de se battre pour le podium également.
Concernant Randy, nous ne savons pas encore réellement ce qu’il fera l’an prochain. Mais il a montré un véritable potentiel avec un gros talent, une grosse attaque, peut-être juste un peu trop de chutes ou de malchance. Cependant, il a largement prouvé qu’il était un pilote qui a la hargne. Maintenant, j’espère pour lui que l’avenir va changer et qu’il va savoir rebondir. Malheureusement, il y a de moins en moins de pilotes Français en GP, et cela risque de devenir de plus en plus difficile.
Lorsque nous parlons de vitesse, si nous ne brillons pas spécialement en GP à l’heure actuelle, il ne faut pas oublier aussi de se tourner vers le Superbike pour y voir des Français qui marchent très bien. C’est un championnat tout aussi prestigieux. Je parle évidemment de Loris Baz, de Sylvain Barrier ou encore de Jeremy Guarnoni. Ils sont jeunes, talentueux, et peut-être qu’un jour ils finiront en GP, je l’espère pour eux. Sylvain Guintoli a failli remporter le titre de peu, donc la saison prochaine on peut à nouveau espérer que le titre devienne sien. Il faut éviter les blessures. J’espère aussi que Loris Baz pourra se battre pour le championnat, il en a la possibilité. Jules Cluzel a aussi ses chances en Supersport.
En GP, il y a aussi un jeune, Jules Danilo, qui rejoint la Moto3, espérons qu’il va nous surprendre.
- En parlant du Superbike, beaucoup pensent que, depuis la reprise du championnat par la Dorna, les usines sont de plus en plus restreintes et doivent se tourner absolument vers les GP, selon vous est-ce une réalité ?
Ce n’est pas aussi simple que ça. Très honnêtement, les usines qui ont la possibilité d’aligner des motos qui peuvent gagner un GP s’engagent en GP. On ne peut pas changer les choses, les GP ont une notoriété et un niveau nettement supérieur au Superbike. Il est bien évident que la catégorie reine est le MotoGP. Chaque constructeur rêve de gagner une course MotoGP. Si certains constructeurs pensent ne pas pouvoir y arriver, je pense à Suzuki ou Kawasaki notamment, on peut supposer qu’ils préfèrent essayer de gagner en Superbike pour revenir plus forts en GP.
Aujourd’hui les besoins financiers sont tellement élevés que les constructeurs, même les plus grands, n’ont pas les moyens d’aligner des motos en GP et en Superbike, comme Yamaha. D’ailleurs même si Marc Marquez est une révélation incontestable, le meilleur pilote MotoGP, pour moi, est Jorge Lorenzo qui, sans blessure, aurait dû être titré une fois de plus pour Yamaha. Malheureusement et pour des raisons diverses, ceux qui ne peuvent pas gagner en GP, pilotes comme constructeurs, vont en Superbike.
- En GP, la saison prochaine, quels sont les pilotes que vous allez suivre avec attention ?
Je vais, bien sûr, suivre tous les pilotes Français avec attention et l’espoir de les voir briller. Je pense que nos meilleures chances de podiums en GP seront pour Johann Zarco et Alexis Masbou.
Tout le monde a un niveau différent et chacun oriente sa carrière comme il le souhaite. Ce qu’il faut, c’est évoluer au sein d’un championnat à un niveau où l’on se sent à l’aise : soit avec des objectifs de progression, soit avec des objectifs quantitatifs (podiums, victoires). Ce sont des choix à faire selon les opportunités. L’objectif de la course moto, c’est avant tout de vivre sa passion.
Je pense aussi qu’il faut féliciter les pilotes qui ont de l’ambition et saluer le courage, la témérité, la motivation de ces pilotes pour les saisons à venir.
Nous tenons à remercier chaleureusement Christian Sarron pour son entière disponibilité ainsi que sa gentillesse. Son avis apporte un autre regard sur la vitesse actuelle qu’il est bon de mentionner.