Dossier Pilotes Français : Alan Techer, le rookie Moto3

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Publié le 14/03/2013 avec 6 Commentaires

Alan TECHER
Catégorie : Moto 3 – Championnat du Monde
Team : CIP Moto3

Deuxième invité de notre dossier consacré aux pilotes Français, Alan Techer est le plus jeune espoir tricolore engagé en Championnat du Monde, toutes catégories confondues. À seulement 19 ans et faisant preuve d’une maturité incroyable, le jeune garçon originaire de Grasse a su mettre dans sa poche la FFM, qui en a fait son protégé officiel, mais aussi Alain Bronec, le propriétaire du team CIP Moto3, pour lequel il roulera cette année pour la seconde saison consécutive. Que faut-il savoir de celui qui, l’année dernière signait sa meilleure position au Mans, en terminant 8ème devant son public ?

Le passé, rétrospective.

En 2000, Alan a 6 ans et monte sur sa toute première moto pour une petite compétition du Sud de la France, le « Bol de Lait », où il termine… bon dernier ! Mais cela ne le décourage pas pour autant, puisque dès l’année suivante, il termine vainqueur du challenge « Little Kid » sur son PW 50cc. En 2002, les choses sérieuses commencent lorsque le jeune Français intègre le Championnat de France MiniBike éducatif, et décroche en fin de saison sa première moto officielle, une Pantera de chez Polini, avec laquelle il roulera également l’intégralité du Championnat MiniBike éducatif 2003. Alan signe alors quelques belles places, mais rencontre de nombreux problèmes mécaniques, qui l’incitent à passer sur une machine en boîte.

C’est donc en 2004 que celui-ci intègre la FFM, pour laquelle il roule sur sa première Honda NSR 50cc. Il ne délaisse pas pour autant le Championnat MiniBike, durant lequel il est régulièrement classé dans les 5 premiers sur sa Metrakit pourtant désavantagée par rapport aux autres machines, et participe également à une manche du Championnat d’Espagne 50cc où il termine quatrième lors des deux courses. En 2005 et en 2006, il est pilote sur le Championnat MiniBike Academy, première filière vitesse de la FFM, et signe ses premières victoires, dont il garde de très beaux souvenirs. 2007 est pour Alan « une saison à oublier », mais c’est cette année là qu’il découvre pour la première fois la RS 125cc, et qu’il effectue des stages importants sous le couvert de Nicolas Dussauge. En 2008, le jeune pilote s’entraîne dur sur sa nouvelle machine, enchaînant les roulages sur divers circuits Français et Espagnols pour améliorer ses chronos et se préparer à la suite, qui tarde à venir…

Puis l’année suivante, Alan se fait remarquer au plus haut niveau sur sa 125 : cartonnant avec des résultats de plus en plus impressionnants en Junior Cup, sur les circuits de Nogaro, Magny Cours et également au Mans, il est invité par la FFM à effectuer 2 courses CEV en Espagne. Il se qualifiera même pour la Red Bull Moto GP Rookies Cup, dans laquelle on a vu émerger certains des meilleurs pilotes actuels. Alan poursuivra dans ce championnat jusqu’en 2011, offrant quelques apparitions en CEV et en Championnat SBK Français, et ce jusqu’à la fin de l’année où il a l’opportunité d’effectuer ses premiers tours de roue sur une Moto 3 dans le team CIP Technomag sur le circuit d’Alès.

2012 est l’année de la signature et des premiers résultats en Moto 3 : sur les premières courses, Alan rentre dans les pointes, malheureusement le circuit de Brno ne lui sourit pas et il est percuté, ce qui lui vaut une hospitalisation brève, mais démotivante. La tournée outre-mer ne lui fait pas non plus de cadeaux, pourtant le Français ne lâche rien, et ce jusqu’au Mans où il offre à son public une superbe 8ème place. Alan termine à la 22e position du Championnat du Monde Moto3 pour sa première saison, un résultat plus qu’honorable et que beaucoup considèrent prometteur.

L’avenir, les enjeux de la saison 2013.

Comment, à 19 ans, vit-on le fait d’être considéré dans tout un pays comme le « rookie » national ? Être soutenu et même financé par la FFM est probablement la meilleure chose qui soit arrivée à Alan Techer qui, il faut l’admettre, a sagement fait ses écoles à la Fédération avant d’en arriver là où il est aujourd’hui, et leur offre une superbe publicité en Championnat du Monde. Mais n’est-ce pas aussi une pression supplémentaire de représenter à ce point les espoirs d’une nation qui reste – malgré certains efforts notables, en marge de la compétition moto, sur le plan médiatique comme sur celui des pilotes ? Cette question, Alan n’y a jamais répondu pour la simple et bonne raison qu’on ne lui a probablement jamais posé, et OffBikes ne fait pas exception à la règle. Car malgré sa carrure d’adolescent, le Français semble très bien vivre ce que tout un chacun pourrait considérer comme une pression supplémentaire, et réussit par son sourire et sa simplicité à faire oublier ce qu’il incarne pour les fans de l’hexagone.

Pourtant, il faut le dire, il est bien attendu au tournant en 2013. Sa prouesse du Mans, les améliorations apportées à sa machine, le simple nom d’Alain Bronec, tout cela fait frémir d’avance et certains rêvent pour lui de podiums sur les circuits Européens. Mais Alan est bien loin de tout ça et se concentre sur ses objectifs personnels : la régularité, et une paire de Top 10 si possible. Car le jeune homme le sait, nul ne sert de briller pour se brûler les ailes, et s’il admire ses compatriotes les mieux classés – avec lesquels il avoue avoir une belle entente, « comme entre tous les pilotes Français de mon point de vue », il ne compte pas pour autant se blesser au prix de coup d’éclats. Un manque de niaque ou d’ambition propre aux tricolores, diront certains. La voix de la raison évoque les autres. L’important sera le résultat, quoi qu’il en soit, mais nul doute qu’il faudra garder un œil sur ce garçon dont le potentiel a été reconnu parmi les meilleurs.

La plus grosse faiblesse d’Alan ? La chute, probablement, due à sa volonté de bien faire et de faire vite, mais aussi à ses mauvais départs qui lui valent souvent d’effectuer plus de la moitié des courses dans les paquets du fond de grille, où personne n’a rien à perdre et les carénages s’entrechoquent aussi bien que les coudes. Le meilleur endroit où se faire percuter, et pour frôler l’erreur qui mène aux graviers. Ce sera donc l’objectif que nous fixerons à Alan pour cette nouvelle année : prendre de meilleurs départs, qui honoreront ses qualifications très honnêtes, et ne pas se précipiter en course pour éviter de chuter et de perdre de jolis points potentiels.

Alan, concentré lors de tests hivernaux sur le Circuit d'Alcarras.

Alan, concentré lors de tests hivernaux sur le Circuit d’Alcarras.

 

L’entrevue.

- Peux-tu nous parler de ton programme des prochains jours ?

Jeudi (14 mars, NdR), je pars avec le team à Carthagène pour rouler vendredi et faire les derniers essais et les derniers réglages avant les essais IRTA de la semaine prochaine. Puis de Lundi à Jeudi prochain, nous serons en Espagne avec tous les autres pilotes. Je suis impatient, même si je pense que les essais hivernaux, dans la mesure où ils ont quasiment tous lieu en Espagne, ne sont pas pertinents au niveau des résultats. Les Espagnols roulent très vite chez eux, ils sont avantagés, mais ça ne sera pas le cas sur tous les circuits européens, donc il ne faut pas toujours se fier aux tests.

- D’après toi, quelles sont les améliorations qu’il reste à apporter à ton pilotage et à ta moto ?

Honnêtement, je ne peux pas trop te dire parce que nous avons très peu roulé cet hiver. Pour nous, la véritable reprise a eu lieu à Valence, et elle a été difficile, notamment du fait de la domination espagnole dont je te parlais. On n’a pas eu énormément de temps cette fois-là, mais le simple fait de rouler était bénéfique, j’ai réussi à améliorer mon meilleur chrono d’environ une seconde. Puis il y a eu Jerez, qui m’a permis de trouver un très bon feeling avec la moto sous la pluie, ce qui est plutôt encourageant quand on sait qu’en général, la pluie et moi, ça fait quatre ! (rires) Malheureusement, les essais ont été interrompus plus tôt que prévu pour ma part, lorsque j’ai été percuté par Corsi le jeudi. La chute n’était pas très impressionnante, mais lorsque je me suis relevé, j’avais une très vive douleur au bras, et j’ai tout de suite pensé qu’il était cassé. Heureusement, je m’en suis sorti avec une simple commotion sur l’humérus et un gros hématome. Je n’ai aucune séquelle qui pourrait avoir des conséquences sur les prochains roulages.

- Tu as un coéquipier très jeune également, puisqu’il a à peu près ton âge. Quelles sont tes relations avec lui, le vois-tu plutôt comme un adjuvant ou un rival ?

Juanfran (Guevara, NdR) et moi sommes partis nous entraîner ensemble au Gabon, près de Libreville, cet hiver et nous nous sommes très bien entendu. C’est vrai que nous avons quasiment le même âge, c’est quelqu’un de sympa, mais je ne peux pas dire que la complicité ait perduré après cela. Lors des tests en Espagne, j’ai tout de suite vu qu’il roulait vite, et ça a été chacun pour soi. Nous avons travaillé nos réglages séparément et nous n’avons rien partagé de spécial sur les circuits. Quelque part, il a un peu posé les choses de la façon suivante : il est là pour être devant, et moi aussi. Pour tout dire, je le vois même comme mon plus grand rival : s’il est plus vite avec la même moto, je serai forcément dégoûté. Être meilleur que lui est un véritable challenge pour moi.

- Quels sont exactement tes objectifs pour cette saison ?

Le premier objectif que je me suis fixé est d’être régulier, j’aimerais marquer des points à chaque course. Après, idéalement, je pense qu’on pourrait être dans le Top 10 au moins deux ou trois fois cette saison si la moto fonctionne bien. Si j’arrive à faire ça, je serai déjà très satisfait. Mais ne va pas penser que je ne suis pas ambitieux, si j’ai l’occasion de me battre plus haut, alors je n’hésiterai pas à saisir ma chance.

- Depuis que Fred (Corminboeuf) est devenu Team Manager et s’est séparé de ton équipe, comment t’entraînes-tu ? On sait que Louis Rossi, par exemple, a choisi l’INSEP… Et toi, quel est ton substitut à ce coach connu pour ne pas plaisanter ?

Lorsque Fred s’est séparé de mon équipe, j’ai du faire un choix et ça n’était pas facile. Le principal avantage avec lui, c’est qu’il envisageait toujours les choses de façon ludique et rendait les exercices amusants, sous ses airs austères. Mais il s’est lancé dans une autre aventure, et pour ma part j’ai préféré saisir l’opportunité qui m’était donnée. Je me suis majoritairement entraîné seul sur le plan physique, mais je suis depuis peu en contact avec Christophe Pinna, ancien champion de karaté (dont on se souvient qu’il a également été professeur à la Star Academy, pour l’anecdote, NdR) et nous sommes en bonne voie pour travailler ensemble. C’est un grand sportif et surtout un coach attentif et professionnel, et ce serait une véritable aubaine pour moi d’être suivi et coaché par un professionnel de sa qualité. Sur le plan mental, la FFM se soucie beaucoup de la façon dont je suis encadré et a mandaté quelqu’un pour s’occuper de moi.

- On a beaucoup parlé du budget des pilotes Français et de ce que cela coûtait d’intégrer le championnat du monde dans une discipline trop peu médiatisée dans notre pays. Comment gères-tu cet aspect là de ta carrière, pour ta part ?

À vrai dire, j’ai beaucoup de chance puisque je suis le poulain de la FFM, qui contribue en grande partie au financement de mon parcours. J’ai également le soutien du Grand Prix de France. Cela dit pour l’instant, je fais encore partie de ceux qui payent pour pouvoir rouler, et pas le contraire. Je dois donc comme tout le monde démarcher des sponsors de mon côté, et je n’ai pas d’agent pour cela. Moi et mon père avons monté une association pour nous en occuper nous-mêmes, et ce n’est pas tous les jours facile de tout combiner, ni pour lui ni pour moi. À vrai dire, j’espère beaucoup pouvoir arrêter de faire ça rapidement, et à l’image de Louis Rossi, investir l’argent de mes sponsors personnels dans d’autres choses comme un préparateur physique de très haut niveau, une Moto 3 qui m’appartiendrait et avec laquelle je pourrais rouler le plus souvent possible… À titre je t’avoue que si on me proposait un guidon en Moto 2 dans une équipe qui me permettrait de ne pas avoir à sortir de l’argent, je le prendrais, et ça même si je serais profondément ennuyé de quitter la Moto 3 car je ne me sens pas prêt pour la catégorie supérieure. Je ne demande pas à être payé, mais réunir les sommes qui nous sont demandées devient de plus en difficile.

- Quel Français vois-tu cartonner cette saison 2013 ?

Et bien déjà, j’aimerais bien dire moi, pour commencer ! (rires) Pour moi, le meilleur pilote Français reste Johann Zarco pour cette saison, toutes catégories confondues je pense qu’il est celui qui fera les meilleurs résultats. De toi à moi, je pense qu’il a placé la barre un peu trop haute au niveau de ses objectifs… Mais il pourra très probablement se battre régulièrement dans le Top 5.

Merci encore à Alan pour sa disponibilité, et à très vite pour de nouvelles aventures dès les essais IRTA de la semaine prochaine.

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