Dossier Pilotes Français : Comment Amélie Démoulin essaie de trouver sa place dans sa passion des courses sur deux roues

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Publié le 05/12/2013 avec Un commentaire

Amélie DÉMOULIN (2ème partie)
Catégorie: European Junior Cup PATA Honda – Honda CBR500R
Team: JFA Performance

À la mi-saison du mondial Superbike, nous avions rencontré Amélie Démoulin (voir ici), pilote engagée dans l’European Junior Cup sur une CBR500R Honda. L’occasion pour Amélie de nous parler de son passé dans la compétition, de sa saison en cours et de ses objectifs.

Après plusieurs saisons en EJC, il est temps pour Amélie de tirer sa révérence — l’âge limite de la Coupe est fixé à 20 ans. Nous en avons donc profité pour faire un point avec elle sur la deuxième partie de sa saison, son premier point lors de la manche nationale à Magny-Cours et son avenir dans la compétition. À l’issue de cette saison 2013, Amélie termine l’EJC à la 34ème position, ex æquo. Retour avec elle sur cette saison et sur la façon dont elle envisage son avenir.

  • Lors de la parution de notre dossier te concernant tu sortais d’une blessure au genou à Monza et Imola marquait la mi-saison, quel bilan peux-tu nous dresser de cette fin de saison ?

En cette deuxième partie de saison, j’ai dû apprendre deux nouveaux tracés. Nous avons travaillé avec un éducateur sportif qui nous a donné quelques méthodes de travail. Avant d’aller sur une course, nous avons beaucoup travaillé en amont, chose que nous ne faisions pas avant : étudier le circuit en utilisant la vidéo, essayer de trouver des repères et, lorsque c’est possible, se remémorer les tracés. Ensuite, après chaque séance de roulage, nous nous mettions dans la caravane pour poser par écrit les points positifs et négatifs de la séance afin d’en dégager des objectifs pour les séances d’après. En dehors d’une course, cette méthode fonctionne très bien et permet de se remettre en question pour trouver des solutions. En course, elle est plus difficile à mettre en œuvre.

Mon objectif de cette année était de marquer des points. Je suis arrivée à Magny-Cours et je pensais, à ce moment-là, très honnêtement ne pas être au niveau pour y arriver. Le niveau des autres pilotes avait nettement évolué. La majeure partie de mes adversaires avaient réalisé beaucoup plus de séances d’essais privés sur leur moto d’entrainement. J’ai eu ma moto beaucoup plus tard dans la saison. Globalement, nous avons tous évolué, même si le niveau en début de saison était déjà bien élevé. Je me suis mesurée à des pilotes qui sont passés par le CEV ou encore la Red Bull Rookies Cup. Tu rencontres beaucoup de personnes diverses et variées.

Je me suis dit « non, ce n’est pas possible, je dois y arriver ». Il y a donc eu le premier départ, nous avons fait quatre tours et nous sommes rentrés. La Direction de Course nous a ensuite annoncé que nous partirons de nouveau pour quelques tours après la seconde course Superbike. Je n’étais pas du tout motivée. Je suis quand même restée dans ma bulle, concentrée. Les conditions de la piste étaient particulières : 5 minutes avant le départ, on apprend que Laverty et Guintoli avaient chuté à Adélaïde sur le mouillé. Nous ne savions pas quel type de pneu mettre sur la moto. Nous avions initialement prévu les pneus pluie, mais Jean-François Cortinovis (ancien pilote d’endurance, NdR), nous a confié que la piste était sèche, donc nous avons équipé la moto en pneu mixte. J’ai donc pris le départ pour seulement 4 tours, je me suis donnée à fond, je n’ai plus réfléchi. Je me suis bien battue et en rentrant dans les stands, je me suis dit avoir fait une bonne course. Mon père et mon frère sont ensuite arrivés pour m’annoncer que j’étais 15ème. Je n’ai pas tout de suite réalisé. Mon objectif était donc rempli et j’ai laissé couler mes larmes : dans mon pays, je marque mes premiers points.

Ensuite, il y a eu Jerez qui est un circuit technique durant lequel nous avons eu du très beau temps. C’est la première fois depuis quelque temps où je suis arrivée à déconnecter mon cerveau : la première partie séance d’essais qualificatifs, je roulais en 2’04 mais, je savais avant de rentrer que je pouvais rouler en 2’03. Malheureusement, je chute en fin de séance. J’ai visé un peu trop haut, je suis partie avec un groupe de pilotes rapides et j’ai fait un highside dans une des deux courbes les plus rapides du circuit. Je m’en sors très bien, mais nous avons passé la soirée à réparer la moto. Le lendemain nous n’avons eu qu’un seul tour de warmup mais, en course je me suis bien bagarrée dans un paquet de 4-5 pilotes. Contrairement à Silverstone où j’avais chuté aussi aux qualifications, j’ai réussi à me remettre dans le bain aussitôt, et à être incisive. Il me manque toujours un peu d’agressivité, c’est ce que je vais travailler pour les saisons à venir pour jouer des coudes. Je vais essayer de passer un cap aussi au niveau mental.

Amélie et son frère Jean-François avant de le premier départ de la course sur le circuit de Magny-Cours. (Photo : Line Biau/OffBikes)

Amélie et son frère Jean-François avant de le premier départ de la course sur le circuit de Magny-Cours. (Photo : Line Biau/OffBikes)

  • Toujours dans l’entrevue que tu nous as accordée, tu nous confiais préférer la 600cc, que penses-tu de cette 500cc à l’issue de cette saison ?

Quand je suis passé de la 125 à la 600 en 2010, j’ai dit à mon père que c’est de la 600 que je voulais faire. Je n’arrivais pas à exploiter le moteur de la 125. Il faut rentrer avec beaucoup de vitesse, relâcher les freins tôt. Je voulais faire l’EJC et je me suis acheté une 500 d’essai pour ne rouler que sur cette moto durant cette saison. Je pense qu’être repassée à cette cylindrée moins puissante m’a apporté une autre vision et une expérience pour la suite : maintenant je peux me dire que j’ai nettement évolué. J’ai appris à ressentir la moto. J’ai d’ailleurs travaillé avec un des mes concurrents belges : Charly Eberhard et un de ses mécaniciens, Marc. Il sait bien régler les machines surtout au niveau des suspensions. J’ai pu alors ressentir ce qui n’allait pas pour lui en faire part ensuite. Il faisait de nouveaux réglages et ainsi de suite pour essayer d’avancer et apprendre à ressortir des informations.

  • Ton premier rival cette saison était Alex Wisdom, tu termines à égalité de points, objectif accompli ? Sabrina Paiuta était un objectif trop difficile à atteindre ?

On préfère toujours faire mieux. À Jerez, c’était une très bonne course, mais j’aurais vraiment voulu faire mieux. Je me remémore encore les passages de la course et je me souviens des endroits où j’aurai pu améliorer. Au niveau des chronos, si j’avais été dans le groupe de devant, j’aurais pu le suivre. Mais, malheureusement à Jerez, Alex Wisdom termine devant moi.

Concernant Sabrina, j’ai encore beaucoup de travail pour être à son niveau. Je ne vais pas en faire l’éloge (rires), mais au niveau de l’agressivité, elle n’a pas peur de jouer des coudes. Elle m’a quand même avoué que, parfois, les garçons roulaient vraiment n’importe comment. Ils réalisent des dépassements suicidaires. Mais il ne faut pas oublier qu’elle a aussi beaucoup plus de temps de roulage puisqu’elle participe au championnat 300cc Superbike au Brésil. De même sur le plan physique, elle s’entraine beaucoup. Finalement, en une saison, son niveau était inaccessible.

  • Tu as maintenant atteint l’âge limite pour l’EJC qui continuera de nouveau la saison prochaine, est-ce une expérience que tu recommandes ? 

Au niveau humain, l’EJC est une grande expérience. Nous sommes arrivés en 2011 en étant les seuls francophones. Même si nous maitrisions l’anglais, il a fallu que nous passions le cap de la langue. Dorénavant, ce cap est passé. Le fait d’échanger avec d’autres pilotes aussi bien sur le plan culturel que sur le plan de l’expérience en piste est très enrichissant.

De même habitant en Alsace, nous sommes très bien placés pour les déplacements de la Coupe par rapport à un championnat français. La plupart des personnes affirment qu’il faut 50 000 EUR pour une saison complète en EJC, mais en fait en 2011, nous en avons eu pour 50 000 EUR pour deux pilotes. Ce sont des choix dans lesquels on se retrouve vraiment. Bien sûr, il faut se déplacer en voiture ou encore ne pas dormir à l’hôtel, mais je pense que l’EJC t’apporte beaucoup plus au niveau européen qu’un championnat français. Je recommande l’EJC pour t’aider à évoluer et murir beaucoup plus rapidement.

De même, les deux premières années, Simon Crafar était présent et réalisait un tour de piste avec nous pour nous donner quelques conseils. Le samedi soir, il essayait de ramener un pilote Superbike ou Supersport pour partager son expérience ou nous parler de sa carrière. Cette saison, Jeremy McWilliams devait reprendre ce rôle, mais il était seulement là pour répondre à nos questions, sans plus. Il y a tout de même quelques pilotes qui sont venus nous rendre visite comme James Toseland, c’est toujours appréciable. Et puis, le paddock Superbike est très ouvert et il est très facile de discuter avec des pilotes Superbike ou Supersport.

Briefing traditionnel de l'EJC : un moyen de partager et d'apprendre. (Photo : Line Biau/OffBikes)

Briefing traditionnel de l’EJC : un moyen de partager et d’apprendre. (Photo : Line Biau/OffBikes)

  • Au bout de ces plusieurs années de compétition sur le plateau européen en EJC, si tu avais la possibilité de revenir dans le passé, que changerais-tu ?

Si l’expérience était à refaire je pense que j’aurais essayé d’avoir une moto d’entrainement beaucoup plus rapidement afin de faire des séances de roulage supplémentaires. Je n’ai réalisé que 300 km avec ma moto d’essai. Malgré la ligne modifiée, les commandes reculées et les demi-guidons, au niveau des suspensions, j’étais vraiment au taquet. Sur le plan physique, je ne suis pas encore totalement prête pour la 600, mais pour la 500, j’ai le niveau physique.

Ensuite, sur le plan personnel, mon frère, Jean-François, roulait cette saison en Superstock 600. Nous avons donc créé notre propre équipe pour le faire rouler. Je me suis beaucoup investie pour lui et notre équipe afin que ça fonctionne le mieux possible. Je n’étais donc pas à 100 % dans mon championnat. Enfin, sur le plan du stress, c’est quelque chose sur lequel je dois travailler aussi.

  • Passons maintenant à l’avenir, tu nous confiais être sur deux voies : terminer ton BTS d’un côté et passer le BEES, est-ce toujours d’actualité ? Et la compétition ? 

Mon BTS est toujours d’actualité. Le BE est toujours dans les tuyaux voire même une licence STAPS. C’est en cours de réflexion pour la suite de mon cursus. Pour la compétition, nous allons passer sur Kawasaki. Je devrais obtenir rapidement une Kawasaki ZX-6R préparée et j’espère réaliser quelques courses en France, mais nous n’avons pas encore déterminé dans quel championnat : FSBK, Promosport, WERC ou la Coupe des Nations. Il y a pas mal de choses qui peuvent se faire, mais je n’ai pas encore de plan précis. Il faut que j’appréhende la Kawasaki avant d’envisager une année en Superstock. Je n’ai pas envie de précipiter les choses pour terminer loin derrière. J’ai ma petite fierté de pilote quand même ! Donc la saison prochaine, à moins que quelqu’un vienne me chercher, je ne ferai pas une saison complète. Pour le moment rien n’est figé. Je pense participer au WERC (épreuve de vitesse et d’endurance, NdR) pour me mettre le pied à l’étrier de l’endurance.

Dans l’avenir proche, je vais passer mon BTS et me rendre en Corée du Sud en aout prochain. Je vais devenir Team Manager de notre équipe JFA Performance. Je vais donc avoir beaucoup de travail administratif, le tout en Anglais.

Amélie en pleine concentration durant la manche à Silverstone. (Photo : Line Biau/OffBikes)

Amélie en pleine concentration durant la manche à Silverstone. (Photo : Line Biau/OffBikes)

  • Nous avions abordé l’aspect financier, as-tu « souffert » cette saison ? Comment l’équipe JFA Performance envisage la saison prochaine, si tu roules ?

Actuellement, c’est nous qui finançons nos saisons. Nous avons quelques sponsors : la FFM, notre commune. Aujourd’hui, je ne suis pas encore très connue comme Sabrina peut l’être au Brésil avec beaucoup de communication autour d’elle.

Nous avons fait avec nos petits moyens en 2013 et nous essayons de faire mieux en 2014 avec le même budget. Au niveau de la qualité de vie, nous vivons en montagne dans un superbe cadre. C’est sûr que nous ne partons pas en vacances, nous vivons notre passion et nos vacances sont sur les circuits et sur les courses. C’est un choix de vie. Toutefois, pour cette saison, j’ai fait un prêt, car j’ai un salaire puisque je travaille. Mais pour l’année à venir, je vais essayer de trouver de l’argent autrement que par le biais d’un prêt personnel.

  • Jean-François et toi êtes très proches, serait-ce une compétition, un motif d’engueulade de rouler l’un contre l’autre dans les années à venir ?

Jusqu’à la saison dernière, nous avons toujours roulé ensemble. Nous nous motivons mutuellement. On est compétitif et on se pousse mutuellement dans nos retranchements. Je suis de bon conseil, et il est de bon conseil. Je pense que c’est peut-être même mieux d’être dans la même catégorie afin de rester concentrer. Comme je précisais en début de l’entrevue, cette saison, je me suis un peu oubliée pour m’occuper de mon frère et j’ai un peu laissé de côté ma saison. Par exemple, au Nürburgring, Jean-François avait besoin de moi, et seulement 30 minutes avant la séance d’essais qualificatifs, je me suis mis dans la caravane pour me concentrer. Malheureusement, il me faut plus de temps pour me concentrer et m’enfermer dans ma bulle.

Mais c’est vrai que parfois, il a du mal quand je suis devant. Pour le moment ça va, je suis derrière, mais qui sait ? Prochainement je pourrais être devant (rires).

Amélie a beaucoup contribué pour l'équipe familiale au détriment, quelques fois, de sa propre saison. (Photo : Line Biau/OffBikes)

Amélie a beaucoup contribué pour l’équipe familiale au détriment, quelques fois, de sa propre saison. (Photo : Line Biau/OffBikes)

  • Est-ce envisageable pour toi d’évoluer dans une structure dans laquelle tu ne serais pas entourée de ta famille ?

À nos débuts, nous étions dans une équipe. Nous ne pensions pas être en mesure de pouvoir nous occuper des motos et de gérer l’équipe. Malheureusement, nous avons vécu une très mauvaise expérience puisque nous sommes tombés sur un « gourou ». Il nous a mis la main dessus, et mes parents ne pouvaient rien dire ou faire.

De cette expérience, nous nous sommes dit que nous allions essayer de créer notre équipe. Nous avons réussi à créer une équipe Supertock 600. Il y a 5 ans de ça, on nous aurait dit que nous y parviendrions, nous ne l’aurions pas cru. C’est évident que nous n’avons pas les mêmes moyens que certains teams ou leur niveau mécanique, nous sommes en apprentissage. C’est vrai que pour l’analyse, c’est peut-être plus simple d’avoir quelqu’un de l’extérieur. Une fois que tu as créé ta propre équipe, il faut savoir s’entourer des bonnes personnes. Ce n’est pas une mauvaise chose dès lors que tu as d’autres personnes autour pour t’aider.

  • Concernant la préparation physique, quel est le programme de cet hiver ? 

Nous avons commencé à travailler autour de l’escalade. Que ça soit pour le physique ou le mental, l’escalade est très bénéfique. Nous allons nous inscrire dans un club d’escalade. Nous pratiquons aussi de la slackline pour améliorer notre équilibre. Je fais pas mal de natation, Jean-François fait beaucoup de vélo. Pour l’endurance, il va falloir que je me mette sérieusement à courir (rires). Au niveau musculaire, nous avons un banc de musculation : il faut absolument que je prenne de la masse musculaire pour dompter cette ZX-6R. La 500 se maitrise bien sur 10 tours, mais sur une 600 avec quelques tours supplémentaires, c’est un peu plus éprouvant. Il va donc falloir travailler sur ces points. Nous vivons dans un endroit où il fait froid, c’est très difficile de se motiver pour faire du sport. Nous avons tenté l’expérience de la salle de sport, mais la plupart des moniteurs ne connaissent pas notre sport.

  • Cette saison, en EJC, tu n’étais pas seule à représenter la France, comment sont les relations que tu entretiens avec Guillaume (Raymond) et Robin (Anne) ? 

Guillaume et Robin jouaient le titre, moi je n’étais seulement que dans les 15-20 premiers donc il n’y avait pas vraiment de rivalité. Je connais ces deux pilotes depuis quelques années maintenant : Robin de par la MiniBike, je l’ai redécouvert cette saison. À l’époque, il ne mesurait que 1m40 et aujourd’hui je me retrouve avec un pilote de 1m70 qui n’a que 15 ans. Parfois, j’oublie vite que j’ai déjà 20 ans. Quand j’avais besoin, je suis allée leur poser des questions, on s’entend bien. Et puis, là où eux pouvaient rester concentrés sur leur week-end, je devais courir un peu partout pour m’occuper de mon frère, mes journées étaient bien remplies.

Lorsque Guillaume a chuté lourdement à Magny-Cours, je n’ai pas eu de problème de concentration. Je suis restée dans ma course. C’est une fois la course terminée que j’ai été voir le père de Guillaume et que j’ai été prendre des nouvelles de Robin. Ce sont deux bons pilotes qui ont été malchanceux cette saison et ils méritaient tous les deux le titre.

Guillaume Raymond et Amélie échangent des informations lors de la manche à Imola. (Photo : Line Biau/OffBikes)

Guillaume Raymond et Amélie échangent des informations lors de la manche à Imola. (Photo : Line Biau/OffBikes)

Nous tenons à remercier Amélie pour sa gentillesse et sa disponibilité. Nous lui souhaitons un retour rapide à la compétition. Suivez Amélie sur Twitter (@ghostame), Facebook et sur le site de son Team JFA Performance (www.jfa-performance.com) !

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