Dossier Pilotes Français : Amélie Démoulin, espoir en European Junior Cup PATA Honda.

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Publié le 10/07/2013 avec Un commentaire

Amélie DÉMOULIN
Catégorie : European Junior Cup PATA Honda – Honda CBR500R
Team : JFA Performance

À l’occasion de la manche du Championnat du Monde Superbike à Imola et de l’épreuve de l’European Junior Cup (EJC) associée, nous avons rencontré l’une des rares représentantes de la gent féminine en compétition : Amélie Démoulin. Bercée par la moto depuis sa plus tendre enfance par son père (mais aussi grâce au Journal de Mickey), retour sur sa carrière déjà bien remplie, sa saison actuelle en EJC et son avenir dans la compétition.

Amélie Démoulin, concentration avant la course EJC à Imola. (Photo : ©OffBikes)

Amélie Démoulin, concentration avant la course EJC à Imola. (Photo : ©OffBikes)

Le passé, rétrospective.

Aujourd’hui âgée de 20ans, Amélie Démoulin a la compétition et la moto dans le sang. Une passion transmise par son père, mais aussi une passion commune qu’elle partage avec son frère, Jean-François, actuel pilote en Superstock 600. Le parcours de ces deux pilotes est très lié. Elle entreprend la compétition en 2006 par la Minibike Academy (50cc). Cette catégorie n’existe plus aujourd’hui. Elle était soutenue par Honda et la FFM. Plus précisément, avec un petit budget de 3000 EUR, le pilote disposait d’une Honda NSR 50 (+ entretien complet), d’un équipement complet et de conseils de pilotage : « J’étais encore dans le ventre de ma maman que mon père avait déjà acheté un PW (Yamaha) attelé à un side et l’avait mis dans ma chambre. J’ai commencé à pratiquer la moto de vitesse en 2006, il y avait dans le Journal de Mickey un article sur la Minibike Academy et sur les filles qui commençaient également à pratiquer ce sport. J’ai donc demandé à mes parents si je pouvais faire cette école, après mûre réflexion. »

Elle participe ainsi à cette école durant 3 années avant d’entamer en 2009, la Junior Cup sur une Honda CBR125R. Mais cette moto n’était pas du goût d’Amélie et elle ne s’y sentait pas à l’aise. Elle termine 20ème de la coupe et 1er pilote féminin. L’année suivante, en 2010, elle a eu l’occasion d’essayer une Honda CBR600RR. Clairement cette monture a été une évidence : « Je voulais rouler avec cette moto et ne plus descendre de catégorie, pourtant pour ne pas perdre l’adrénaline de la course en 2010, j’ai fait des entraînements avec une Honda CBR600RR et la Racebike Academy sur une Honda NSF100. »

2011 signe l’année durant laquelle Amélie et son frère débutent les courses dans la catégorie 600cc et durant laquelle les deux jeunes pilotes sont lancés dans la compétition au niveau européen, avec la toute récente catégorie : l’European Junior Cup, une Coupe Européenne de marque, où tous les pilotes ont la même machine, en l’occurrence des Kawasaki 250cc. Une excellente expérience qu’elle ne manque pas de souligner : « Je ne remercierai jamais assez mes parents pour nous avoir permis de nous lancer dans ces aventures, ils étaient et sont toujours avec nous, derrière nous pour nous soutenir (financièrement comme mentalement). » Ainsi, elle termine le championnat à la 7ème position et 41ème (1er pilote féminin) de la Michelin Power Cup en catégorie 600cc.

Amélie qualifie l’année 2012 comme beaucoup plus calme : elle a focalisé ses attentions sur l’obtention d’un Bac Pro Commerce. Elle réalise toutefois quelques courses toujours dans la Michelin Power Cup : « Je me suis d’ailleurs pris une bonne gamelle à ma dernière course, où la moto a eu très bobo. Moi heureusement je n’ai rien eu, et ça ne m’a rien coupé dans mon envie de continuer à vivre ma passion. »

Amélie dans son box du paddock EJC. (Photo : ©OffBikes)

Amélie dans son box du paddock EJC. (Photo : ©OffBikes)

L’avenir, les enjeux de la saison 2013.

Pour cette saison 2013, Amélie participe de nouveau à l’European Junior Cup PATA Honda sur une Honda CBR500R. Rappelons que parmi 35 autres pilotes de toutes nationalités, Amélie joue la Coupe, mais également un guidon assuré dans la catégorie Superstock 600 l’année prochaine. Même si encore jeune, 20ans représente l’âge limite pour prendre part à cette Coupe. Interrogée sur son avenir, Amélie répond : « J’aimerais énormément continuer la moto de vitesse, l’année prochaine je passe mon BTS, pour le moment je fais faire ma saison sérieusement, profiter à 100 % et je verrais bien les opportunités qui pourraient s’ouvrir à moi pour la saison prochaine. Je compte passer le BEES (Brevet d’État d’éducateur sportif, NdR) avec mon frère pour devenir éducatrice pour, à terme, peut-être créer notre propre école. En fin de saison je ferais le bilan avec mon père et on réfléchira sur ce que je veux faire, ce que la 500cc m’aura apporté pour la 600cc, et à quel point j’aurais progressé. »

L’entrevue.

  • Tu roules aujourd’hui en EJC, tout d’abord pour quelles raisons as-tu choisi cette coupe par rapport à un autre championnat ?

J’ai choisi ce championnat puisque je commence à vieillir ! Bon Dieu, 20 ans déjà cette année ! Non, cette année c’est la dernière année où je peux faire cette coupe, je ne sais pas ce que je ferais l’année prochaine. J’ai goûté en 2011 à l’Europe et c’est tout simplement magique, l’ambiance, les circuits, les différents pays, les rencontres, et tant d’autres choses. Les commissaires de course, Lucas (espagnol) et Marco (italien) attendaient mon retour avec impatience !

  • Parle-nous de ton début de saison ? Quelles sont les difficultés que tu rencontres (motos, tracés, pilote féminin) ?

La première course a été difficile, personne n’aime finir dans les derniers. J’ai plusieurs défauts qui avaient été effacés, oubliés grâce à la 600, et qui reviennent avec ce plus petit moteur : je freine tard et fort, je n’ai donc plus assez de vitesse dans le virage entre autres. J’ai fait ma course d’Aragon seule, contrairement à celles d’Assen et de Monza, où j’ai roulé en paquet, j’ai retrouvé mon agressivité que j’avais peut-être perdue entre autres à cause de ma chute de fin de saison dernière.

Et je commence vraiment à m’amuser avec ces « petits jeunes » ! J’ai à présent une 500cc d’essai, je vais pouvoir m’entrainer entre les courses, pour peaufiner mon pilotage, mes trajectoires, ma vitesse de passage.

  • Justement en tant que femme évoluant dans un paddock essentiellement masculin, comment te sens-tu perçue par les autres pilotes ? Est-ce pénalisant ? 

Comme tout sportif, il faut s’affirmer. En tant que garçon, tu dois t’affirmer dans ce monde où les places sont chères et si peu nombreuses, mais encore plus en étant une fille. D’autant plus que les compétitions sont mixtes. Je vois d’autres filles pilotes qui sont connues, on les met vite sur un piédestal, mais dès que quelque chose ne va pas ou ne plaît pas, on se dépêche de les redescendre. À part ça, comme dans la vie quotidienne, il y a des personnes avec qui tu peux avoir plus ou moins d’affinités, généralement tout se passe bien, j’ai un mauvais caractère, mais je suis sociable.

  • Tu as chuté assez lourdement durant les essais qualificatifs à Monza, ton genou a été touché, comment vas-tu aujourd’hui ? À 100% pour ce week-end à Imola ?

Oui, pendant le premier tour de la séance qualificative, j’ai chuté et je n’ai malheureusement pas pu repartir. Mais je tenais absolument à prendre le départ le lendemain, malgré mon genou, c’était obligé, je ne pouvais faire autrement, je voulais montrer la guerrière que je suis.

Mon genou n’est pas à 100 % rétabli, j’aurais dû aller voir un ostéopathe, je le ferais en rentrant d’Imola. Même si ce n’était que des hématomes, j’avais déjà chuté sur ce même genou en 2009, où je me suis fendue le ménisque, cela met donc plus de temps à se rétablir que la normale.

  • Imola marquera la mi-saison, quel objectif vises-tu ?

Je vise le même résultat qu’à Monza, voire beaucoup mieux : les points seraient géniaux. Mais tout dépend de la place où je serais sur la grille, de la concurrence, des faits de course, etc.

  • En passant, quel est, pour toi, ton premier rival sur la piste et pourquoi ?

(rires), très bonne question ! Le jeune américain Alex Wisdom, j’ai tendance à être plus régulière que lui, mais il sait saisir les opportunités qui sont à portée de mains. Il sait bien fermer les portes et fait peu d’erreurs. Et bien sûr Sabrina Paiuta. Aujourd’hui, je sais qu’elle est plus forte que moi, mais il ne faut pas oublier le jeune tigre qui est tapi au fond de moi et qui peut surgir à tout moment ! Je vais tout faire pour progresser afin qu’en fin de saison je n’aie pas de regret.

Cette saison va être pleine d’émotion. D’ailleurs, ça a déjà commencé. Je pense encore découvrir de nouvelles facettes de ma personnalité. La moto m’a énormément aidée à m’affirmer. Je suis de nature timide et stressée. Le fait d’être propulsée dans un monde de garçons, en 2006, nous étions jeunes, de petits machos qui peuvent être teigneux, voire méchants, parfois.

  • On rappelle que ton frère roule en Stock 600 (européen), échangez-vous des informations (réglages, conseils, trajectoires) ?

Oui, on a cette chance d’être deux. Bon parfois, il me dit des choses que je n’aime pas entendre, ça marche aussi dans le sens contraire. Il m’aide à me secouer quand il le faut, me donne des conseils sur mon pilotage, les réglages. Nous sommes très complices, le peu de différence d’âge joue aussi. Inconsciemment, on s’aide mutuellement pour le mental, on est là pour s’entraider et s’encourager, partager les joies et les peines de l’un et de l’autre. Cette passion commune a renforcé notre fratrie, notre amitié, notre complicité.

C’est presque une déclaration d’amour non ?!

Jean-François, son frère et pilote Superstock 600, toujours présent pour soutenir Amélie. (Photo : ©OffBikes)

Jean-François, son frère et pilote Superstock 600, toujours présent pour soutenir Amélie. (Photo : ©OffBikes)

  • Tu as participé à différents types de championnats à la fois nationaux et européens, selon toi, quelles sont les différences fondamentales ?

Les tracés : plus large, le revêtement, la sécurité des circuits, l’ambiance : je ne sais pas pourquoi je me sens mieux en Europe, sûrement parce qu’il y a des gens de différente nationalité et culture.

  • À titre personnel, comment se passe le financement de ta saison ? (sponsors, aides, fédération)

C’est moi qui finance entièrement ma saison avec quelques aides de la FFM ou de petites entreprises locales. En tant qu’apprentie en BTS assistante de gestion PME/PMI, j’ai pu déposer un dossier « Expérience Jeunesse » auprès de ma région Alsace et recevoir une aide. Il y a aussi mon concessionnaire Honda, STEY MOTOS, qui m’aide également, en plus de Moto Expert Colmar, mon moto club Passion Vitesse et Flam Racing pour la fourniture des carénages. Le banquier m’apprécie de plus en plus et heureusement que j’ai une paie tous les mois.

  • Tu me parlais récemment reprendre le vélo prochainement (dès que ton genou ira mieux), comment organises-tu ta préparation physique ? 

Nous avons fait notre propre petite salle de sport pour la musculation ou faire du vélo en hiver. Je vais faire de la natation une fois par semaine, j’essaie de prendre le vélo pour aller au travail, je cours avec ma meilleure amie une à deux fois par semaine, j’ai également une moto de trial pour rouler en forêt. Mais je sais qu’il faudrait que je sois plus structurée et disciplinée dans la pratique de sport en dehors de la moto.

  • Beaucoup de pilotes sont relativement discrets concernant ce point, mais il semble que tu continues tes études en parallèle, n’est-ce pas trop difficile d’allier les déplacements, préparation et les cours ?  

J’ai une vraie chance, c’est d’avoir trouvé, à chaque fois, des écoles conciliantes, intéressées par les jeunes sportifs actifs et ils m’encouragent. Au début de chaque année, j’apporte le calendrier de ma saison. Avant et après chaque course, je vais dire quelques mots à ma directrice et à certains professeurs.

Mais bien sûr la condition sine qua non, c’est d’avoir un bon bulletin et surtout, j’insiste, de bonnes appréciations. Quand je commence quelque chose, je veux le mener à bien et dans de bonnes conditions. J’essaie donc de me donner les moyens pour réussir.

Je ne peux pas critiquer l’un ou l’autre, c’est une addition de plusieurs facteurs : la volonté du pilote et de l’élève, le temps, la compréhension de l’école, la manière dont est abordée la chose par les parents, l’élève, la direction et les professeurs, et bien plus encore. J’ai par exemple voulu commencer à apprendre le Coréen. Ça a été dans les premiers temps puisque la saison n’était pas encore commencée, mais après ça a été trop compliqué à gérer : les cours en BTS, les courses. Finalement, il y a peu de week-ends où je peux me reposer.

  • La course sur le circuit d’Imola vient de se terminer, tu te classes 31ème aux essais et 21ème en course, quelles sont tes impressions ? Et ton genou ? 

Je vais bien, la course a été assez dure. Découverte du circuit. Il est magnifique, mais dur et technique. J’ai remarqué que mes concurrents arrivent à s’adapter beaucoup plus rapidement que moi. J’ai réussi à améliorer mes chronos, mais c’était de loin pas assez pour être mieux qualifiée. Je me suis laissée enfermer au départ, et je n’ai pas réussi à doubler assez rapidement Alex (Wisdom, NdR), ce qui fait que le trou entre les pilotes qui me précédaient était déjà trop grand, j’ai terminé ma course seule.

 (Photo : ©OffBikes)

Merci à Amélie pour cette entrevue. (Photo : ©OffBikes)

 

Un grand merci à Amélie pour sa disponibilité, sa gentillesse et ses réponses et avoir permis à OffBikes de s’introduire dans les méandres de l’EJC durant le week-end à Imola.

Suivez Amélie sur Twitter (@ghostame), Facebook et sur le site de son Team JFA Performance (www.jfa-performance.com) !

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