Dossier Pilotes Français : Loris Baz, l’espoir WSBK

Rédigé par . Posté dans Dossiers, Pilotes Français, World Superbike, WorldSBK.

Tagged: , , ,

Publié le 11/03/2013 avec 11 Commentaires

Loris BAZ
Catégorie : Mondial Superbike
Team : Kawasaki Racing Team

Pour lancer ce dossier consacré aux pilotes français engagés dans vos championnats favoris, qui de mieux que l’un des meilleurs espoirs de la moto tricolore ? Superbe et inoubliable vainqueur de la première course de la manche anglaise de Silverstone la saison passée, Loris Baz était alors âgé de seulement 19 ans. Ayant aujourd’hui à peine passé la vingtaine, le jeune prodige nous a offert une très bonne entrevue exclusive et sans tabous. Retour sur un parcours précoce et analyse des enjeux 2013 de ce pilote hors du commun.


Le passé, rétrospective.

C’est en 2003, alors âgé de 10 ans, que Loris débute en vitesse, et ce après avoir déjà fait ses preuves en cross. Pour ses beaux yeux, c’est toute sa petite famille qui le suit dès le départ en Espagne, où il pilotera successivement sa première Metrakit pour le Championnat Catalan. Dès l’année suivante, il dispute déjà la Coupe Bancaja sur sa Metrakit 70. En 2005, le haut-savoyard passe en catégorie 125cc à nouveau pour la coupe Bacanja, et court en 2006 deux lièvres à la fois, le Championnat Catalan et le Championnat d’Espagne.

C’est en 2007, à l’âge de 14 ans que Loris passe sur une 600cc, et il consacre cette année là à s’entraîner sur une Yamaha R6, pour intégrer le plus rapidement possible le Championnat d’Europe 600 Superstock. Dès sa première année en 2008, il est déjà plus jeune vainqueur de l’histoire du championnat, durant lequel il signera 3 victoires, 8 podiums et 2 pôles positions en 10 courses.

Avide de grimper encore en catégorie, et donc de monter en puissance, Loris saisit en 2009 l’occasion qui lui est donné de piloter sa première 1000cc en Championnat du Monde Superstock : il sera classé 8ème, un exploit sachant qu’il est le plus jeune pilote de l’histoire engagé dans cette catégorie, et qu’il a du pour cela bénéficier d’une dérogation. L’année suivante, il se classera à la même position du même championnat, signant son premier podium dans la catégorie, un podium historique puisqu’il est encore une fois le plus jeune à le réaliser.

En 2011, Loris choisit de courir le Championnat d’Europe Superstock 1000 Junior, et de s’engager en British Superbike avec le Team Motorpoint et une Yamaha R1 Un choix judicieux, puisqu’il est sacré Champion d’Europe Superstock Junior à la fin de l’année, et réalise 7 Superpoles en 7 courses dans le championnat Superbike Anglais, malgré une saison brutalement arrêtée pour raisons budgétaires. La même année, il participe à la course d’endurance mythique des 24 Heures du Mans au sein de l’équipe YART et se classe 3ème avec ses coéquipiers Steve Martin et Igor Jerman. Il n’a que 18 ans.

C’est enfin en 2012 que le parcours du Français devient plus visible encore : en début de saison, Loris s’engage en Championnat du Monde Superstock 1000 sur une Kawasaki ZX-10R aux couleurs du team Français MRS. En début de saison, il court le Bol d’Or également sur une Kawasaki, avec pour coéquipiers son ami Jérémy Guarnoni ainsi que Nans Cheveaux, formant à eux trois l’équipe la plus jeune de la course. Mais c’est le en mai que sa carrière connaît un véritable tournant, lorsqu’il devient pilote officiel Superbike pour le team Kawasaki Racing Team, remplaçant l’infortuné Joan Lascorz victime d’une terrible chute qui lui vaudra d’être paraplégique. Pour sa première participation au Championnat, le Français se classe 8ème.

Loris ne tarde pas à briller en Superbike : dès le 22 Juillet à Brno, il signe son premier podium en se classant 3ème de la première course derrière Marco Melandri et son coéquipier Tom Sykes. Sa première victoire aura lieu le mois suivant à Silverstone, dans des conditions météorologiques douteuses et dangereuses, victoire qu’il confirmera par une 2ème place lors de la deuxième course.


L’avenir, les enjeux de la saison 2013.

Après une saison aussi brillante que surprenante, Loris Baz a eu la chance et le bonheur d’être reconduit par le team officiel Kawasaki pour cette saison 2013, qui débute à peine. Une certaine pression pour le jeune pilote qui, du haut de ses tous justes vingt ans – fêtés quelques semaines à peine avant la première manche Australienne, se voit pointé du doigt comme le rookie que tout le monde attend. Machine parmi les plus performantes du plateau, team manager réputé et coéquipier vice-champion du monde 2012, autant d’éléments qui pourraient peser lourd sur les épaules d’un garçon encore adolescent. Pourtant, celui-ci semble déterminé à prouver qu’être le plus jeune peut aussi s’avérer une grande qualité (voir interview) et s’est entraîné assidûment tout l’hiver, multipliant les roulages aux grès des sollicitations de son team. Voyage confidentiel chez Kawasaki dans l’archipel nippon, kilos de trains de pneus usés sur les pistes Espagnoles, Loris s’est donné du mal. À la veille des courses de Philip Island, nous vous proposions déjà une analyse de ce que le Français pouvait représenter cette saison : peut-être pas l’homme à abattre, mais un sérieux outsider à considérer comme une régulier indubitable du Top 10.

Et nous ne nous étions pas trompés. Première course sur le circuit aux kangourous, Loris se classe 5ème sur le sec, son meilleur résultat depuis le début de sa carrière en Superbike. Malheureusement, percuté par Chaz Davies avant même la fin du premier tour, il est contraint d’abandonner lors de la deuxième course. Et c’est là que le bas blesse : Loris tombe, il est beaucoup tombé, tombera-t-il encore beaucoup ? Son manque de régularité en 2012 lui a valu de ne se classer que 13ème au Championnat, alors même qu’il terminait le plus souvent dans le Top 8 en course. Le nombre de Kawasaki réduite en poussière reste à trouver, mais l’on se souvient très bien de l’état de celle qu’il pliait très récemment sur le circuit Australien lors des tests privés la semaine précédent le début officiel de la saison…

Alors si l’on devait fixer un objectif à Loris pour cette année, au delà de celui qu’il semble s’être donné lui même, ce serait le suivant : rester sur ses roues et marquer de gros points.

Loris Baz, Kawasaki Racing Team.

Loris Baz, Kawasaki Racing Team.


L’entrevue.

- Après Philip Island, tu te situes comment au niveau des enjeux de cette saison ?

Au niveau de mes objectifs, rien n’a changé. Nous savions que serions bien sur ce circuit parce qu’il me convient et qu’il convient à la moto, et je crois l’avoir prouvé dès la première course. Je suis juste déçu parce que je suis sûr que j’aurais pu faire encore mieux, 4 ou 5 en deuxième course, mais ma chute a été éliminatoire. Cette première manche australienne m’a fait du bien parce qu’elle m’a montré que nous avions vraiment progressé, encore plus que ce que je pensais. Et progresser c’est réellement le but de cette année : la saison passée, ma « place » sur le sec, c’était 8 ou 9. Nous partons de cette base là, et il va falloir faire mieux, continuer sur la lancée de Philip Island. Cette année, l’objectif est de se battre régulièrement pour le Top 5.

- Qu’est ce que tu as pensé du week-end de ton coéquipier, Tom Sykes, dont beaucoup disent qu’il a signé une véritable contre-performance ?

Je ne sais pas si on peut réellement parler d’une contre-performance, ou alors une toute petite quand on connaît la semaine qu’il a passé en Australie. Il ne faut pas oublier qu’il avait le poignet félé… Et également mal aux côtes du fait de sa chute. Il avait du coup manqué deux jours de tests. Le Dimanche, il a couru sous anti-inflammatoires, ce qui est honorable. Et puis il y a aussi eu ce souci de pneus à a durabilité douteuse dont on a beaucoup parlé en Supersport mais peu en Superbike, et qui était pourtant le même. Donc je comprends que les gens attendaient Tom mieux placés, mais faire deux fois 5ème dans ces conditions, je n’appelle pas ça une contre-performance.

- Quelles sont les améliorations qu’il faut encore apporter à ta machine d’après toi ?

Nous perdons le plus de temps entrées de courbe des virages lents, qui ne sont vraiment pas notre fort pour l’instant, notamment au niveau du freinage… Mais nous savons d’ou vient le problème : c’est à cause de mon poids et de ma taille, de la masse que je suis sur la moto, et qui pèse beaucoup en particulier sur l’avant. Il y a donc des réglages à améliorer à ce niveau là mais nous en sommes conscients et nous travaillons dessus depuis le départ. Le problème, c’est que certains circuits sont un enchainement de ces virages lents, et notamment Aragon, une piste que j’ai vraiment du mal à apprécier en Superbike.

- Quels sont justement tes objectifs pour Aragon ?

Et bien de faire mieux sur le sec, d’améliorer mes chronos en course parce que vraiment, c’est un circuit que je n’ai pas aimé sur la Superbike et qui ne me convient pas à la base. Pour te donner une idée, l’année dernière je roulais dans les mêmes chronos que Jeremy avec la Superstock… Cette année lors des essais hivernaux, j’ai rattrapé quasiment tout mon retard, le temps que je perds est devenu dérisoire, mais quand même. Je sais que c’est une course sur laquelle je vais devoir faire un effort pour être au top.

Quel est le circuit que tu attends le plus pour briller en cette nouvelle saison Superbike ?

Je dirais Assen, parce qu’il se compose de courbes très rapides, qui conviennent bien à ma moto et à mon pilotage. Cela dit, il reste encore des circuits que je connais pas et sur lesquels je ne peux pas encore me prononcer comme Laguna Seca ou Istanbul (qui vient d’être ajouté au calendrier 2013, NdR). Mais à part ceux là, je les connais à peu près tous. Normalement.

Qu’est ce que tu estimes être ton plus gros point faible ?

Je dirais… Ma jeunesse et mon manque d’expérience. J’apprends, j’oses des choses, je veux faire trop bien et parfois je tombe, comme lors des tests en Australie où je suis tombé au pire moment. Mais c’est aussi un point fort, parce que je n’ai pas les mêmes appréhensions que les autres et que j’assimile tout très vite. Mon apprentissage a toujours été très rapide parce que je suis jeune et motivé, et c’est ce qui fait ma force. Alors c’est à double tranchant.

Qui est-ce que tu estimes être ton plus grand rival ?

La spécificité de la Superbike à mon avis, c’est justement qu’on ne peut pas dire qui va se battre pour la victoire, parce qu’il y a au moins dix mecs qui en sont capables et qui la veulent. Il y a les deux Aprilia officielles, il y a même Fabrizio maintenant… Il y a Marco (Melandri), Carlos (Checa), Tom (Sykes) bien sûr, Chaz (Davies) bientôt, et puis Sylvain (Guintoli) qui est très fort… Moi, ce que j’espère, c’est qu’on pensera très bientôt à moi quand on parlera de ces mecs là qui jouent le podium ou la victoire à chaque course. Mais je ne pense pas qu’il y ait de favori ou qu’on puisse parler d’un grand rival unique, et c’est ce qui fait l’intérêt de la catégorie, je crois.

- Comment est-ce que tu vis l’opportunité que tu as de participer à nouveau au Bol d’Or ? Quel résultat espères-tu faire ?

Personnellement, je suis très contente parce que j’ai toujours adoré l’endurance, mais cette année je suis concentré à 100% sur ma saison Superbike. C’est Kawasaki qui m’a demandé d’y participer et je le fais avec grand plaisir, d’autant plus que je serai dans le team avec celui que je considère vraiment comme l’un de mes meilleurs potes à la vie comme sur les courses, Jérémy (Guarnoni). L’objectif de l’équipe est de gagner, alors il va tout falloir faire pour et surtout éviter de tomber. J’ai vu sur les réseaux sociaux qu’il y a déjà des réactions négatives à notre participation à tous les deux, mais j’ai fait podium aux 24H du Mans à 18 ans, alors je n’ai pas peur de ce que les gens disent.

Tu as vu que votre participation à toi et Jérémy fait polémique du fait de votre jeune âge, qu’est-ce que tu penses ?

Tu sais, je suis habitué à cette polémique parce que j’ai toujours été « le plus jeune », j’étais déjà par exemple le plus jeune en Superstock, le plus jeune à rouler en 1000 avec une dérogation… C’est toujours ce qu’on a dit et retenu de moi, mais je m’en moque, j’en suis fier. Si l’année dernière au Bol d’Or, on est beaucoup tombé, c’est surtout à cause de problèmes techniques, alors ça n’a rien à voir avec ce qui se passera cette année. Quand je tombe, en général, c’est parce que je me bats pour une 4ème ou une 5ème place en Superbike. Non, vraiment, ça ne m’inquiète pas, je sais de quoi on est capables. Et si l’on parvient à gagner, alors j’ai hâte de voir la tête des gens qui ne mettraient pas une pièce sur nous…

Quelle est ta relation et celle du team avec Joan Lascorz, est-ce qu’il est encore bien présent dans vos esprits, est-ce que tu as le sentiment de lui devoir quelque chose ?

Je ne peux pas dire que j’ai le sentiment de lui être redevable, parce que ce serait comme induire que les pilotes Superstock attendent que je me blesse, par exemple, pour avoir ma place… Ce serait malsain et ce n’est pas le cas, je ne pense pas devoir quelque chose à Joan. Mais il est clairement très présent dans l’esprit de tous les membres du team. Guim (Roda, team manager, NdR) et Alvar (Garriga, manager technique, NdR), tous mes mécaniciens et notamment Pere (Riba, chef mécanicien, NdR) étaient de très proches amis de Joan. Tout le staff a été très affecté par ce qui lui est arrivé et reste très présent pour lui… Tu vois, il vient d’acheter un kart, et je ne sais même pas si ce n’est pas Guim qui le lui a trouvé. On parle de lui souvent, et tout le monde fait ce qu’il peut pour l’aider et qu’il reste présent. Par exemple, il faut aménager sa maison parce qu’elle n’est pas franchement adapté à la vie de quelqu’un en fauteuil : et bien c’est Guim qui s’occupe de ça, il a pris ça en charge et moi-même, une fois où j’étais en Espagne, je suis allé aider à nettoyer la maison et à faire les aménagements. Personne ne le laisse tomber, moi je ne l’ai pas beaucoup connu, mais quand je suis allé là-bas, chez lui, j’ai vu son guépard, tout ça… C’est vraiment un super mec, personne ne mérite ça mais lui encore moins, c’est un type vraiment cool. Je veux qu’on le garde à l’esprit et c’est d’ailleurs pour ça que je l’ai fait intégrer à la déco de mon casque, ça n’est absolument pas une obligation du team ! De toute façon tu as du remarquer sur je suis toujours le premier à poster sur les réseaux sociaux des messages pour qu’on n’oublie pas ces pilotes qui se sont blessés… Il a aussi ce pilote Roumain que je connaissais bien en Superstock, Mircea Vrajitoru, qui est dans un état encore plus grave que celui de Joan puisqu’il a subi un grave traumatisme crânien, a été plongé dans un coma artificiel dont il est tout juste sorti, et ne s’exprime plus qu’en clignant de yeux… Personne n’en a parlé, il a à peine été mentionné sur le site officiel SBK et je trouve ça dégueulasse. Chaque pilote sait que ça fait partie du métier et c’est vrai qu’on essaye de ne pas y penser, mais ce n’est pas une raison pour oublier. Je ne veux pas qu’on oublie ces gens, et je ne veux pas qu’on oublie Joan, même si moi je ne l’ai pas beaucoup connu ni fréquenté.

Un grand merci à Loris pour sa disponibilité et pour avoir répondu à toutes nos questions, y compris les moins agréables.

Photo (à la une) : Mirco Lazzari.

Loading Facebook Comments ...
Loading Disqus Comments ...