Robin ANNE
Catégorie : European Junior Cup PATA Honda – Honda CBR500R
Team : Anne Formation
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Retour aux premiers amour d’OffBikes, ces jeunes Français dont on ne parle que trop peu et qu’il s’agit de vous présenter dans ce dossier, avec un article consacré à Robin Anne. Jamais entendu ce nom ? Robin est pourtant l’incroyable vainqueur de la dernière course de l’European Junior Cup qui a eu lieu à Monza, en Italie, il y a quelques semaines. C’est d’ailleurs à l’occasion de cette manche Italienne, deux jours seulement avant de la remporter, que le jeune pilote de 15 ans, Champion de France Moto3 en 2012, s’est confié à OffBikes pour vous donner l’occasion de mieux le connaître.
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Le passé, rétrospective.
Malgré son jeune âge, la carrière de Robin Anne en sports mécaniques mérite déjà une belle rétrospective.
Le jeune garçon, originaire de Thonon-les-Bains, est monté pour la première fois sur une moto à l’âge de 3 ans et demi, c’état un QR 50cc, et il n’en est plus jamais redescendu. Entre 2001 et 2007, PW 50, Gas Gas, JR 80, KTM 65 SX, Bidalot 140 : presque tous les modèles y passent.
En 2007, Robin est inscrit au Championnat de France de Minikart et termine toutes ses courses 4ème. Après seulement 6 mois de pratique du kart et 3 mois et demi de compétition, il crée la surprise en terminant Vice-Champion de France, devant le Champion de France 2006. Parallèlement au kart, Robin découvre la moto de vitesse avec une Conti 50 et une Honda NSR 50 de la Minibike Academy. Dès son premier week-end d’entraînement, il se classe parmi les 5 meilleurs pilotes, et devient, au fil de la saison, le modèle de son école de pilotage, selon le coach Nicolas Dussauge. Cette année là, une démonstration (sous forme de gymkhana) des jeunes pilotes de l’école au Grand Prix de France voit la victoire de Robin devant 30 000 spectateurs.
En 2008, Robin est Champion de Ligue Régionale de Kart catégorie « minime », mais l’aventure s’arrête suite à un désaccord avec son team, ce qui facilite son choix entre le kart et la moto. L’expérience de la Minibike est renouvelée, ainsi que la victoire à la 2ème édition du gymkhana au Grand Prix de France.
En 2009, l’âge légal pour les compétitions moto en France est abaissé, et Robin peut enfin prendre part à un Championnat, en l’occurrence la Race Cup sur Honda NSF100. Menant la saison d’un bout à l’autre, il se fait damer le pion lors de la dernière manche et termine Vice-Champion de France, avec seulement 2 points de retard.
En 2010, changement de décor, c’est en Espagne que le jeune homme choisit d’évoluer, et ce dans deux championnats simultanément : le CMV (Campeonato Mediterraneo de Velocidad) et le CCV (Campeonato Catalan de Velocidad) sur une 125cc. Lors de la première course, sur le mythique circuit de Barcelone, il réalise la pôle position, un début très prometteur. Cependant, la saison ne se déroulera pas sans embuches : une disqualification pour allumage non conforme (qui sera prouvée conforme plus tard dans la saison, sans pour autant qu’il ne récupère sa place et les points correspondants), puis une chute qui le prive de deux courses. Lors de cette saison, Robin cumule donc les points de seulement 2 courses sur 5, ce qui ne lui permet d’obtenir qu’un classement général de 15ème sur 33.
En 2012, enfin, Robin devient le plus jeune Champion de France Moto3 en remportant le Championnat 125/Moto3 avec la Dark Dog Academy.
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L’avenir, les enjeux de la saison 2013.
Pour cette saison 2013, Robin a rejoint l’European Junior Cup PATA Honda, qui comme son nom l’indique, est une Coupe Européenne de marque, où tous les pilotes ont la même machine, en l’occurrence une Honda CBR500R. Parmi 35 autres pilotes de toutes nationalités, le jeune Français joue donc la Coupe, mais il y a également une autre récompense à la clé de cette compétition : un guidon assuré dans la catégorie Superstock 600 l’année prochaine. En effet, l’EJC est physiquement rattachée au paddock et au calendrier du Championnat du Monde Superbike, qu’elle suit sur plusieurs circuits Européen, et la promesse d’une catégorie supérieure est la motivation principale de tous ses concurrents.
Dans ce contexte, Robin est arrivé fort de son titre de Champion de France Moto3, un palmarès prestigieux certes, mais un handicap en termes d’adaptation à la machine. Habitué à un prototype de course au châssis extrêmement rigide et à la puissance différente de celle d’une machine de série, certains pointent d’une doigt une forme de régression pour le jeune homme. Mais lui ne l’entend pas de cette oreille : certes, il y a une nécessité de s’adapter à cette nouvelle moto – et à ses réglages qui n’ont strictement rien à voir, mais il s’agit là d’un nouveau challenge, et en rien d’un retour en arrière.
Bien sûr, s’il n’obtient pas le titre et le guidon promis, il s’agira pour Robin d’envisager une autre voie, et on ne peut que rejoindre ceux qui pensent qu’il a sa place dans un Championnat de prototypes, qu’il s’agisse du CEV, du Championnat de France ou même du Championnat du Monde. Mais n’est-il pas plus difficile – et plus coûteux – d’y obtenir une place à la hauteur de ses performances ?
Tout l’enjeu de la saison de Robin consiste donc à prouver qu’il peut être le meilleur sur une machine de série, pour conforter son choix d’évoluer plus tard dans une catégorie Superstock grandissante et dont l’ambition est de devenir, comme le dit Sylvain Barrier, “l’antichambre des Grands Prix”. Une voie peut-être moins évidente que celle d’un Alan Techer, mais à 15 ans seulement, et avec les moyens du bord, Robin a le temps de voir venir, et surtout, un avenir très prometteur devant lui.
Suite à notre entrevue lors de la manche de Monza, et du week-end que nous avons passé à ses côtés, il a d’ailleurs brillamment remporté la course pourtant difficile et très disputée. Un heureux présage ? Une confirmation supplémentaire, surtout, pour ce très sérieux prétendant au titre.
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L’entrevue.
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Tu as longtemps fait du karting, as-tu envisagé une carrière dans le sport automobile avant la moto ?
Lorsque j’ai arrêté le karting, j’étais en pleine discorde avec mon team, et on ne s’est pas séparés en très bons termes. Je dois dire que ça m’a beaucoup aidé à faire le choix entre auto et moto, parce que j’hésitais encore à l’époque, mais je pense que dans tous les cas j’aurais choisi la moto. Ça n’est donc pas plus mal que ça se soit passé comme ça, même si j’étais bien parti en kart et que j’avais signé quelques beaux résultats, et je n’ai aucun regret. Je ne sais pas si j’aurais pu faire carrière dans l’auto, d’autant que c’est encore plus cher que la moto (rires) ! Mais avec de la motivation et du travail, tout est possible.
- Comment s’est déroulé ton début de saison jusqu’à présent ?
Pour l’instant, tout ne s’est pas très bien passé. En termes de tracés, je m’en sors plutôt pas mal, mais j’ai de véritables difficulté pour régler la moto. Comme on a tous la même machine, la différence majeure se fait sur les réglages qui doivent être absolument parfaits, et depuis le début de la saison, impossible de trouver un setting correct. On a réussi à trouver une configuration plutôt prometteuse pour la course d’Assen, ce qui m’a permis de remonter et de faire une jolie course malgré de mauvaises qualifications. Et pour ce week-end, on a une bonne base de réglages pour le sec, mais voilà qu’il pleut… Il faut espérer qu’il fera beau pour la course Dimanche, je préfèrerai une piste sèche !
- En général, es-tu plus à l’aise sous la pluie ou sur le sec ?
Sous la pluie, j’ai souvent très bien roulé l’année dernière, puis j’ai connu une belle chute et après, j’ai eu du mal à me remettre dans le rythme lorsque le temps était mauvais. À Assen, lors des essais sous la pluie, je n’ai pas été terrible, j’ai fait seulement le 13ème temps… Mais comme il n’y avait pas spécialement d’enjeux, je ne peux pas dire que j’ai vraiment forcé non plus. Là, s’il pleut Dimanche en course, je devrai quand même essayer de rouler vite pour voir ce que ça donne et faire un résultat… Enfin en général, je préfère le beau temps et les pistes sèches !
- Cette année, tu disputes ton premier championnat Européen (l’European Junior Cup Pata Honda, NdR) et tu découvres donc tous les circuits. Comment se déroule ton apprentissage ?
Comme beaucoup de jeunes, j’ai une Playstation (rires) ! Grâce à elle, je me suis beaucoup entraîné sur le circuit et je connais déjà par cœur l’ordre des enchaînements de virages ainsi que quelques repères. Hier (le Jeudi, NdR), nous sommes arrivés en début d’après-midi et j’ai fait un nombre incalculable de tours en scooter, puis nous avons tous fait un tour de piste avec Jeremy McWilliams qui nous a donné quelques conseils précieux. Donc je commence à comprendre à peu près comment tourner sur ce circuit, j’ai regardé les différences d’adhérence, les vibreurs pour savoir si je pouvais passer dessus, etc. Mais après, je ne peux pas faire grand chose de plus, reste à rouler pour trouver les trajectoires, les points de freinages, chose que je ne peux pas faire à pieds… Enfin, je sais dans quel sens ça tourne, c’est déjà un bon début (rires) !
- Pour l’instant, l’Autodromo di Monza est-il un circuit que tu apprécies ?
En règle général, j’adore les grands virages rapides, alors ici… je suis un peu malheureux. Il y a surtout des chicanes étroites ! Après, c’est un joli circuit, le cadre est incroyable, en plein milieu d’un parc forestier. Mais oui, la piste a l’air très sympa et je suis pressé de rouler dessus, et sur le sec s’il vous plaît !
- En début de saison, tu as dit espérer jouer le titre dès cette année. Es-tu toujours dans cette optique ?
Oui, bien sûr, toujours. Le but est toujours d’obtenir le titre, d’autant qu’il y a en jeu un guidon en Superstock 600. Donc là, je n’ai plus le droit à l’erreur, je dois absolument faire la différence car c’est un championnat tellement serré… C’est un peu la loterie, dans la mesure où on a tous la même machine, comme dans toutes les coupes de marques. On termine les courses en paquets de 10 ou 15 dans le dernier virage, alors même si ce n’est que la troisième course, je veux absolument faire de meilleurs résultats. De toute façon, je n’abandonnerai rien, et ce jusqu’à la dernière course.
- Toi qui a couru en championnat en France et en Espagne, quelles sont les différences principales selon toi ?
En Espagne, on roule beaucoup plus qu’en France, pour commencer. Plus de courses, plus de circuits. Et à part ça, je dirais que le niveau en Espagne est un peu plus élevé, mais dans le sens où on l’entend : en fait, les pilotes ne roulent pas plus vite qu’en France, mais ils sont beaucoup plus nombreux à rouler vite. La concurrence est beaucoup plus importante et plus rude. Et puis les pilotes là-bas ont beaucoup plus d’aides de la Fédération, par exemple, ce qui n’est pas le cas en France. J’ai adoré le Championnat d’Espagne, les circuits sont magnifiques et les bagarres toujours présentes, c’était vraiment génial.
- Tu abordes la question des aides de la Fédération, et on parle beaucoup du financement des saisons des pilotes Français, justement. Qu’en est-il de ta situation, à titre personnel ?
Au jour d’aujourd’hui, bien sûr, je suis dans le cas où je paye pour rouler. Des sponsors, j’en ai quelques uns, mais pas assez. On n’en a jamais assez de toute façon, tant une saison coûte horriblement cher. Donc ce sont mes parents qui me financent, comme beaucoup de pilotes de mon âge et de mon niveau. J’ai la chance d’avoir ma sœur et mon beau-frère, qui sont très impliqués dans la recherche de sponsors et se chargent de ma communication, mais il y a encore et toujours beaucoup de travail. Si je souhaite continuer l’année prochaine dans un bon team, et que je n’obtiens pas le guidon en Superstock 600 cette année, alors je vais vraiment devoir trouver des aides extérieures. Bien sûr, j’ai un petit soutien de la FFM, mais ça reste léger, même si bien sûr le coup de main est appréciable. Si j’arrive à être payé pour rouler d’ici 3 ou 4 ans, ce sera déjà quelque chose d’incroyable…
- Dans la mesure où l’EJC partage le paddock du Championnat du Monde Superbike et des Championnats Supersport, tu évolues parmi d’autres pilotes Français. Comment te sens-tu dans ce milieu ?
J’avoue que les pilotes Français qui roulent dans les grandes catégories, je ne les connais pas vraiment… J’ai déjà eu quelques petites discussions avec eux, à l’occasion, et je les ai trouvé super sympas, ils n’ont pas la grosse tête, rien du tout. Au sein de l’EJC, tout se passe super bien, avec Guillaume (Raymond, Ndr) et Amélie (Démoulin, NdR), on roulait déjà ensemble auparavant donc l’entente est restée, et elle s’est construite avec les pilotes étrangers qui sont tous très cools. Il y a une véritable solidarité entre nous tous, par exemple plus tôt dans la journée, on allait remonter une roue sans remettre de cales sur les côtés, et un de nos camarades étrangers est venu nous dire que si on roulait comme ça, on allait perdre la roue (rires) !
- Comment organises-tu ta préparation physique ?
J’ai un coach personnel, Gilles Cairoli, qui travaille pour l’équipe Sport-Progrès, une formation qui entraîne notamment les pilotes de la Dark Dog Academy en France. Lui et moi, on habite dans la même ville, donc j’ai la chance de pouvoir m’entraîner trois fois par semaines à ses côtés depuis 4 ans. On travaille entre chaque course, autant le mental que le physique d’ailleurs, et il se déplace parfois sur les courses. Il m’est d’une grande aide. Je pense que, même si ce n’est pas ce qui fait la différence en termes de performance sur la moto, il est important pour un pilote d’avoir un minimum de condition physique car si l’on est faible ou fatigué, on se met vite dans le rouge et on fait très vite des erreurs. Ce n’est pas le sport le plus physique, c’est clair, mais il est toujours bon d’être meilleur que ce qui est requis, histoire d’avoir de la marge, d’être sûr de pouvoir finir une course sans problèmes, et d’avoir encore les capacités d’attaquer en fin de course. La condition physique et la souplesse font aussi énormément la différence en cas de chute, et je dois dire que c’est ce qui me manque, je suis raide comme un bout de bois ! J’ai déjà eu de petites blessures, mais rien de grave qui m’ait empêché de rouler durant une longue période… Et puis je n’ai surtout pas peur de la chute : pour trouver la limite, il faut bien tomber !
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Un grand merci à Robin pour sa disponibilité, sa gentillesse et ses réponses, mais aussi à Coralie & Harold, pour avoir organisé cette entrevue, et avoir permis à OffBikes de passer un week-end entier “en immersion” auprès d’un jeune pilote aussi talentueux.
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