Sylvain BARRIER
Catégorie : Superstock 1000 – Championnat FIM
Team : BMW Motorrad GoldBet
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Troisième pilote auquel nous consacrons un article de ce dossier, Sylvain Barrier est sans aucun doute le plus expérimenté jusqu’à présent. Patron de sa catégorie et homme à battre pour la majorité des pilotes en Superstock 1000, il est aussi un véritable modèle de sérieux et de compétitivité. Pour sa probable dernière saison avant de monter en catégorie Superbike, le pilote s’est confié à OffBikes entre les manches d’Assen et de Monza.
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Le passé, rétrospective.
Retracer le parcours de Sylvain est un exercice relativement difficile. Pour faire simple, il s’agit de retenir qu’il a commencé la moto très jeune, et a couru son premier championnat sur l’Île Maurice à l’âge de 15 ans en 50cc. Un championnat qui lui a valu d’être repéré et sélectionné par un team Sud-Africain. Le jeune homme emménage alors à Durban en 2004, où il intègre une filière Sport-Études et termine 1et du championnat régional en 50cc. Il conclut également sa saison avec la seconde place du championnat super moto 500cc.
En 2005, Sylvain fait ses premiers tours de roues sur les circuits Français avec sa 1000cc : déjà déterminé à intégrer un championnat, il tient à apprendre les tracés le plus rapidement possible. L’année suivante, il roule pour la Dark Dog Academy en Supersport Open et termine 13ème du championnat en n’ayant couru que quatre courses. Il réalise en parralèle deux « piges » en Championnat de France Promosport 1000 lors desquelles il termine 6ème et 9ème. C’est également en 2006, à l’âge de 18 ans, que la carrière de Sylvain prend un véritable tournant, puisqu’il est engagé en Championnat Superstock 600. Il termine 19ème du classement général en ne roulant que lors d’une petite moitié du championnat.
En 2007, le jeune pilote est cette fois présent sur la totalité du championnat qu’il court sur Yamaha, et qu’il termine 6ème. Sylvain monte en Superstock 1000 dès l’année suivante, mais plusieurs chutes et blessures le maintiennent loin des circuits pour trois courses, et il termine la saison 16ème du classement général. Dès 2009, Sylvain réitère, même championnat et même marque, il termine cette fois 5ème du classement général sur sa Yamaha. Bilan de sa saison : 3 podiums, une fois 4ème, deux fois 5ème mais surtout première Yamaha du championnat. Sylvain signe à peu près les mêmes saisons les deux années suivantes, Il termine 6ème puis 4ème du Championnat FIM Superstock 1000 avant d’être engagé en 2012 au sein de la structure BMW Motorrad Italia. Il gagne alors trois courses, Assen, Imola et Misano, et ce malgré une opération de l’épaule suite à une grave chute au cours de l’année. Fin 2012, Sylvain remporte son premier titre de Champion.
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L’avenir, les enjeux de la saison 2013.
2013 est une saison charnière pour Sylvain Barrier, la dernière avant de rejoindre la convoitée catégorie Superbike. À 24 ans et avec une longue carrière derrière lui, le jeune homme a deux objectifs très importants : conserver son titre de Champion FIM Superstock 1000, obtenu à la force du poignet et malgré de sérieux pépins, et prouver qu’il a sa place parmi « les grands » où il était attendu dès cette année. Mais pour en savoir plus à ce sujet, le plus simple était de l’interroger, et ses réponses sont extrêmement claires dans l’interview à suivre.
De notre point de vue, il s’agira pour Sylvain cette année de faire une saison encore plus régulière et constante que la précédente, en évitant de signer des résultats en dents de scie et surtout, de chuter. Car une blessure pourrait être éliminatoire, non pas en termes de contrat dans la mesure où le Français s’est assuré avec BMW que quel que soit l’issue finale de sa saison, il monte dans la catégorie supérieure sur une moto officielle. Mais plutôt en terme de performance brute pour l’année prochaine : le temps de récupération pourrait l’éloigner trop longtemps du bitume et ralentir son activité sportive – qu’il s’impose tel un ascète, avec une hygiène de vie irréprochable sur le plan diététique notamment. Un coup de frein qu’il lui faut à tout prix éviter pour prouver qu’il a sa place là où il sera en 2014. Car comme il l’explique lui-même lors de notre entrevue, c’est par choix et non par défaut qu’il n’a pas rejoint la Superbike dès cette année. Et c’est à lui de prouver qu’il s’agissait d’un choix judicieux.
À titre d’information, depuis, Sylvain a lourdement chuté à Monza, où il n’a marqué aucun point. Heureusement, cette chute n’a eu aucune conséquences physiques, et il semblerait qu’elle n’en ait pas eu non plus sur son mental. Reste à espérer qu’elle n’en ait pas sur son championnat, mais après seulement trois courses, tâchons de nous souvenir que rien n’est joué.
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L’entrevue.
- Peux-tu nous parler de ton week-end à Assen ? Comment s’est-il déroulé et qu’est-ce que tu en retires ?
Vendredi matin, les conditions étaient vraiment pourries : il ne pleuvait pas vraiment, la piste n’était pas sèche non plus, quelques gouttes tombaient par ci par là. J’ai décidé de partir avec les pneus secs pour commencer, faire quelques tours pour voir, mais c’était absolument inroulable. Du coup, j’ai attendu qu’il pleuve plus pour chausser les pneus pluies, mais ça n’est jamais arrivé. Ni mouillé ni sec, l’horreur, et la séance n’a servie à rien. La première séance de qualification n’était pas terrible non plus, puisqu’on n’avait aucune base de données sur ce circuit pour cette nouvelle moto. Cela dit, c’est le cas pour plus ou moins tous les circuits cette année, puisque sur cette machine, la HP4, le système de suspension électronique est totalement inédit, personne ne l’a jamais essayé avant nous et du coup, nous n’avons aucune base de réglages sous la pluie. Je n’avais donc aucun repère, et ça m’a obligé à beaucoup rouler pour développer la moto. Evidemment, dans ces conditions, je chute à la fin de la séance, mais sans gravité. Samedi matin, la séance libre était sur le sec, tout s’est bien passé et j’ai signé la pôle position provisoire. Pour la séance qualificative de l’après-midi, on a eu droit de mettre deux pneus supplémentaires car on avait un train de pneus restant non utilisé lors de la séance libre de Vendredi matin. Mais nous avons préféré le garder pour la course, ainsi en cas de drapeau rouge, on pourrait repartir avec des pneus neufs, ce qui nous donnait une petite avance sur les autres. J’ai relativement bien roulé, mais j’ai rencontré des problèmes de suspensions à la fin de séance, que j’ai essayé de régler pour le warm-up. Et ça n’a absolument pas fonctionné. Donc je suis reparti avec un setting qu’on avait défini à Aragon. Donc pour la course, j’ai eu une machine radicalement différente que celle que j’avais expérimenté durant tous les roulages du week-end, et c’était un véritable défi. Du coup sur les premiers tours, j’ai fait très attention à prendre un bon rythme sans faire d’erreur, puis petit à petit je suis allé chercher les autres. Malheureusement, quand j’ai enfin doublé La Marra, il ne restait qu’un tour, alors je n’ai pas eu le temps de préparer ma fin de course comme je l’aurais souhaité. Du coup, dans le dernier tour, j’ai tenté de protéger mes trajectoires pour garder la tête jusqu’à la fin, et dans le dernier enchaînement rapide, La Marra a trouvé un véritable trou de souris pour me passer. J’ai quand même voulu repasser dans la dernière chicane juste avant la ligne droite, et c’est passé, mais le problème est que ma BMW fait facilement 10 kilos de plus que sa Ducati, et je me suis fait prendre à la reprise. Il était mieux que moi sur les dernières trajectoires. Je suis content pour lui car même si l’on se touche à la fin, il gagne une très belle bataille, et on a offert une belle fin de course.
- Que penses-tu du geste qu’il a fait juste après avoir passé la ligne d’arrivée, et qui a fait polémique toute la semaine suivante ?
La polémique a été très forte que ce soit en France ou en Italie. Mais je n’en tiens pas compte. C’est sûr que l’égo en prend un coup, quand un pilote te fait savoir de quelle que façon que ce soit qu’il ta bien eu, c’est un peu vexant. Mais ces choses là, il faut passer au-dessus, ne pas s’arrêter à ça et regarder l’avenir. Je pense sincèrement qu’il est le premier à regretter son geste. Moi, de toute façon je ne l’ai pas vu sur le moment car j’étais déjà loin, et c’est mon chef mécanicien qui, dans le parc fermé, m’a demandé : « Mais, tu a salué La Marra ? » Je lui ai répondu que oui, évidemment, il avait gagné à la régulière en étant plus rapide dans le dernier sprint donc c’était normal que je le félicite. Il m’a alors dit : « Tu n’as pas vu son geste ? Il t’a fait un bras d’honneur ! » Je lui ai dit que non, pas du tout, que je n’avais rien dit, et il m’a prévenu que je verrai ça sur les images. Ma première réaction a été de lui dire que c’était normal. L’année dernière, il s’est battu contre moi jusqu’à la dernière course pour tenter d’obtenir le titre, et depuis le début de la saison je suis tout le temps devant. Je sais que je suis l’homme à battre, il était sous pression, on s’est touchés, il a passé la ligne premier et il a tout lâché, alors ça a du partir tout seul. Mais je pense réellement qu’il ne faut pas en tenir compte, c’est vraiment un geste à chaud et irréfléchi. Et puis honnêtement, moi j’ai autre à chose à faire que des polémiques. Ça se règlera sur la piste, et puis c’est tout ! La seule chose à faire dans ce genre de cas est de montrer qui est le meilleur !
- C’est ta sixième saison dans cette catégorie, et tu devais passer en Superbike dès cette année, mais ça ne s’est pas fait. Est-ce que tu peux nous en dire plus ?
Malheureusement oui, sixième année en Superstock 1000. Il était prévu, depuis l’année passée, que je monte dès cette saison, mais certaines circonstances ont repoussé l’échéance. En effet, la moto que BMW me proposait n’était pas assez compétitive selon moi, et si c’était pour aller faire des 15ème place, ça n’en valait pas la peine. J’ai donc refusé leur offre. J’ai ensuite été en pourparlés avec Aprilia avant qu’ils ne signent avec Sylvain (Guintoli, NdR) mais ça ne s’est pas fait puisqu’il a signé un jour avant moi. En fait, plein de petites choses ont empêché que ça se fasse. Maintenant, j’ai un contrat de deux ans avec BMW, et quoiqu’il arrive cette année, que je gagne ou non le championnat, je passe en Superbike l’année prochaine sur une moto officielle. Par contre, nous ne savons pas encore si ce sera dans le team officiel ou dans un team satellite. Tout ce qui compte pour moi, c’est que dans tous les cas, ce sera sur une moto sur laquelle je serai capable de jouer la gagne. L’avantage, c’est que pour cette saison 2013, je n’ai aucune pression. Je me base juste sur les polémiques de l’année dernière, les propos des gens qui ne me trouvaient pas assez constant et m’ont critiqué parce qu’il m’est arrivé de chuter par exemple. Du coup cette année, j’ai à cœur de leur prouver que je suis capable du contraire et de rester sur mes roues en faisant des résultats à chaque course. Gagner toutes les courses, ça n’est pas possible, et puis ça ne m’intéresse pas au contraire, moi j’ai envie qu’il y ait de la bagarre et qu’on voit qu’en Superstock 1000, on est plusieurs pilotes à avoir les capacités pour aller en Superbike. C’est devenu un championnat très disputé, peu importe le circuit, on roule environ 1 seconde plus vite que les années précédentes, donc autant dire qu’on met du très gros gaz ! Et nous sommes devenus une catégorie professionnelle, elle représente l’avenir, et l’anti-chambre de la Superbike. Quand tu vois qu’on roule entre 1 et 2 secondes moins vite seulement en course, avec des motos qui sont des motos standards sur lesquelles on a monté des slicks… Alors oui, c’est vrai, j’aurais du aller faire mes preuves en Superbike, mais pour des résultats insatisfaisants, ça n’en valait pas la peine. Parfois, il vaut mieux être grand chez les petits que petits chez les grands !
- Certes, mais quand on voit que sur la plupart des séances, tu sors du box, tu signes la pôle et tu rentres, on est forcé de se demander si tu ne t’ennuies pas un peu !
Personnellement, dans cette catégorie là, effectivement je pense ne plus rien avoir grand chose à prouver. Je sais comment rouler vite et je sais quelle est la ligne de conduite à avoir, elle fonctionne et je m’y tiens. Je ne m’ennuie pas dans le sens où il y a toujours de la vitesse, de la compétition et de l’adrénaline. Bien au contraire, j’ai une moto toute neuve et super complexe à régler, avec deux ingénieurs seulement pour moi qui travaillent parfois jusqu’à toutes les heures… Et c’est un nouveau défi qui rajoute un peu de piment, parce que garder son titre d’une saison sur l’autre, ce n’est jamais évident. Maintenant, j’ai la chance d’être très bien entouré et de pouvoir faire des choses encore meilleures que l’année passée : améliorer mes chronos, mes performances brutes… Et puis dans le fond, on a toujours un petit quelque chose à prouver. Cette année, je suis là pour montrer aux gens que si je ne suis pas allé en Superbike cette saison, c’est par choix et pas par défaut ou par manque d’opportunité. Dans notre métier, on se tue à faire du sport tous les jours et à avoir une hygiène de vie irréprochable – enfin pour la plupart d’entre nous, et tout cet investissement pour faire des résultats médiocres, moi ça ne me dit rien du tout, sans même parler d’un team dans lequel il faudrait payer pour rouler. Certains disent que je fais un pas en arrière, mais c’est pour en faire trois ou quatre en avant l’année prochaine.
- Peux-tu nous parler un peu de l’aspect financier de ta saison et de ton choix ?
En ce qui me concerne, je me fous de gagner de l’argent et ça n’est pas la raison pour laquelle je changerai de catégorie, je pense juste qu’il faut donner l’opportunité aux gens qui sont vraiment motivés et se dédient entièrement à leur sport, pas à ceux qui sont les plus fortunés. C’est aussi une des raisons pour lesquelles je fais une saison supplémentaire en Supersport, pour montrer aux gens que dans la moto, il n’y a pas que l’argent qui compte. Aujourd’hui je suis chez BMW, mais trois ans en arrière, je payais pour rouler pour eux. Il faut être patient avant de gagner sa vie, et pour être honnête, ce n’est pas spécialement mon cas. Comme je ne paye pas, les petits mécènes que j’ai à droite et à gauche, les quelques sponsors et les primes de victoire me permettent de vivre correctement, mais sans être gourmand. Pas question, par exemple, d’aller au restaurant tous les jours ou d’acheter des voitures de luxe. Le team a ses sponsors, moi j’en ai quelques-uns, une dizaine de personnes ou de structures de ma région que je connais personnellement et qui m’aident. Pour ceux-là, quand ce n’est pas moi, ce sont mes parents qui s’en occupent la plupart du temps.
- Quels-sont tes rapports avec les autres pilotes Français dans le paddock, sachant qu’ils sont nombreux en mondial Superbike / Supersport / Superstock ?
À mon avis, ma réputation n’est pas celle de quelqu’un de très sympa ou de très fun, mais d’un autre côté, je ne suis pas là pour me faire des amis, je suis là pour faire mon boulot et gagner. On court les uns contre les autres, il ne faut pas l’oublier. Pour être honnête, je m’entends mieux avec les pilotes anglophones ou les pilotes Italiens qu’avec les pilotes Français, après le pourquoi… Disons qu’il y a certaines mentalités que je n’apprécie pas plus que ça. Après, on se dit bonjour et on se félicite quand on se croise, mais on n’est pas non plus à s’appeler pour aller faire du sport ou quoique ce soit. C’est un peu chacun pour soi. Et puis pour la majorité des Français, ça fait des années qu’ils entendent parler de moi et qu’on leur demande de me prendre modèle, donc je pense qu’ils en ont aussi ras le bol de Sylvain Barrier. Ils sont arrivés à saturation et me voient comme le grand rival, même plus l’homme à battre, l’homme à abattre. Par exemple si je te parle de Loris (Baz, NdR) on a tellement roulé l’un contre l’autre par le passé que cette rivalité existe toujours un peu. C’est Adrien (Morillas, NdR) qui nous a pris sous son aile et nous a formé, on vient un peu de la même école. Aujourd’hui, ça va de mieux en mieux, il a énormément de talent et on est de la même trempe, on est similaires dans le sens où on est des guerriers, on ne lâche jamais rien. Donc ça force le respect et ça nous amène à ne pas trop mal nous entendre.
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Merci infiniment à Sylvain pour sa disponibilité et ses réponses exhaustives, mais aussi pour toutes ces autres choses qu’il fait afin de soutenir OffBikes, et notamment pour m’avoir permise d’être présente sur le circuit de Monza.