En marge du GP d’Aragón avait lieu la dernière épreuve de la Red Bull MotoGP Rookies Cup durant laquelle Jorge Martin a été sacré lors de la première course. De son côté, Enzo Boulom termine premier des quatre pilotes français engagés. En 2014, le jeune pilote a montré de quoi il était capable, se battant même contre la douleur (oedème aux lombaires) durant l’épreuve de Misano. Il obtient ainsi la possibilité d’évoluer pour une seconde saison en Red Bull MotoGP Rookies Cup. OffBikes a rencontré Enzo Boulom une nouvelle fois qui nous fait un bilan de sa première saison.
- La saison de la Red Bull MotoGP Rookies Cup vient de se terminer, quel bilan peux-tu dresser ?
Le début de saison a été vraiment dur. Je ne m’attendais pas à un niveau si élevé malgré ce qu’on avait pu me dire avant la saison. Au regard des deux dernières courses du CEV auxquelles plusieurs pilotes espagnols de la Red Bull MotoGP Rookies Cup et moi avions participé, je partais confiant pour la saison. Dès la première épreuve, j’ai vraiment été surpris par le niveau. Je pense aussi ne pas m’être assez préparé durant l’hiver. Ce n’était donc pas si simple. Néanmoins, j’ai réussi à rebondir au fur et à mesure de le saison. À partir de Brno, j’ai véritablement franchi un cap. Je me suis entrainé et ça m’a beaucoup aidé.
- Au sujet de la préparation hivernale, par rapport à tes adversaires, était-ce un handicap lié à la préparation physique ou au manque de roulage ?
C’est le manque de roulage qui m’a handicapé plutôt que le manque de préparation physique. Le fait que je ne connaisse pas les circuits a amplifié le phénomène. C’est pour cette raison que j’ai réalisé une bonne performance à Brno ou à Misano puisque j’y avais roulé avant les épreuves. Par rapport à mes adversaires, je sais que certains pilotes avaient fait de la reconnaissance sur quelques circuits en y roulant durant l’hiver ou dans le cadre de certains championnats tels que le CEV ou le CIV. Ils étaient prêts dès la première épreuve à Jerez alors que je n’avais roulé que sur une 600cc tout l’hiver.
- La 600cc permet-elle d’offrir les mêmes sensations qu’une Moto3 ?
La 600cc que j’avais n’était pas une véritable moto de compétition. À chaque virage, elle bougeait dans tous les sens, il y avait beaucoup de mouvement. Une Moto3 et en particulier la KTM est très rigide. Le passage de la 600 à la Honda Moto3 lors de l’épreuve du FSBK au Mans s’était plutôt bien passé parce que la Honda est très souple et assez simple d’utilisation par rapport à la KTM. La KTM exige un autre type de pilotage beaucoup plus agressif, ce que je n’arrivais pas à faire au début.
- La taille et le gabarit sont d’actualité en ce moment (affaire Loris Baz/Aspar), penses-tu être handicapé par ton gabarit en Moto3 ?
Pour la Moto3, je pense être légèrement trop grand. On arrive toujours à se débrouiller en prenant l’exemple de Lorenzo Baldassarri qui est beaucoup plus grand que moi. Mais ce n’est pas un avantage non plus. Je n’arrive pas à bien me caler sur la moto. En début de saison, nous n’avions effectué aucune modification sur la moto et j’avais beaucoup de difficulté à rentrer les coudes. Je forçais pour conserver une bonne position aérodynamique et je perdais du temps en ligne droite. Le staff a fait beaucoup d’efforts pour m’aider à me sentir le mieux sur la moto : modifications des bracelets des demi-guidons et de la selle. La taille n’était donc plus véritablement un handicap mais le poids qui va avec reste un inconvénient par rapport à d’autres pilotes plus petit. Il y a parfois un écart de 20kg. Mais je compense justement avec ma taille en étant beaucoup plus vif qu’eux sur la moto comme peuvent l’être Loris Baz en Superbike ou encore Toprak Rasgatlioglu. Si j’étais plus léger, tout serait plus simple mais avec des “si”, on peut refaire le monde. Je ne peux pas perdre plus de poids.
- Durant la saison, tu nous as confié à plusieurs reprises avoir beaucoup de difficulté au départ, est-ce point qui t’a posé beaucoup de problèmes en course ?
En début de saison, j’ai vraiment été géné par ce point. J’utilisais le launch-control et il est difficile de savoir où on en est au niveau des gaz et du lâché d’embrayage. Il y a une perte de sensation. Lorsque j’ai réalisé des départs sans l’aide du launch-control, j’ai aussitôt progressé. Je ne suis toujours pas le meilleur au départ mais dorénavant j’arrive à conserver ma place au premier virage.
- L’acquisition de données est proposé aléatoirement à chacun des pilotes durant la saison, lorsque tu as pu y avoir accès, tu as aussitôt réglé certains problèmes, peux-tu nous en dire plus ?
En début de saison, je me plaignais de réactions étranges de la moto en phase de freinage. Grâce à la télémétrie, nous avons pu voir que nos réglages étaient complètement à côté de ce qu’il fallait. Les informations avec la différence de langue que je donnais aux ingénieurs n’étaient pas toujours compréhensibles. Par conséquent, ils étaient un peu perdus et ne savaient pas dans quel sens aller. Nous avons donc pu régler la moto correctement. Cela nous a permis de dégrosssir et j’ai pu progresser.
- Étant une catégorie d’apprentissage, penses-tu qu’il soit important de ne pas offrir la télémétrie à tous les pilotes durant toute la saison ?
Si la télémétrie était mise en place pour tous les pilotes, je pense que les ingénieurs n’auraient pas le temps d’analyser toutes les données. Il y a deux ingénieurs qui s’occupent de cet aspect-là, un sur le plan technique et l’autre sur le plan du pilotage. Avec 24 pilotes, il serait impossible de contenter tout le monde et quelques pilotes seraient laissés pour compte. La télémétrie est également utilisée pour permettre aux techniciens et coachs d’étudier les facultés et les réactions de chaque pilote ainsi que sa faculté à s’adapter aux obervations faites par le staff technique.
- Quels sont les autres points qui t’ont posé problème cette saison ?
Encore une fois, la rigidité du châssis en début de saison J’ai réussi à m’y faire progressivement en trouvant un autre style de pilotage beaucoup plus agressif et incisif.
- 24 pilotes composent la catégorie, en dehors des pilotes français, contre qui as-tu le plus apprécié être confrontation ?
Il y a beaucoup de pilotes mais si j’en avais un à donner, je citerais Marc Garcia. C’est plutôt un bon adversaire. Il a d’ailleurs fait un podium à Aragón. C’était sa première saison, tout comme moi. Il se bagarrait toujours pour un Top10 et j’étais souvent en bagarre avec lui. C’est l’un des adversaire contre qui j’ai apprécié me battre sur la piste. À Brno, j’ai également apprécié la bagarre dans le groupe de tête avec Jorge Martin, Stefano Manzi et Manuel Pagliani.
- Pour sa deuxième saison, Jorge Martin remporte la coupe avec 10 podiums en 14 courses dont 6 victoires, penses-tu qu’il était vraiment au dessus du lot cette saison ?
Globalement, ce n’était pas un pilote imbattable. Il n’est pas comparable à Marc Marquez qui a remporté toutes les courses en première partie de saison. Toutefois, je pense qu’il a un meilleur mental que les autres. Qu’importe la situation, il arrive toujours à rebondir. Par rapport à moi, sa connaissance des circuits a fait la différence mais lorsque l’on joue à armes égales, comme à Brno, je suis dans le même paquet que lui.
- Tu as la possibilité de prolonger pour une nouvelle saison, penses-tu avoir une marge de progression suffisante pour accéder au Grand Prix ?
L’accès au Grand Prix est vraiment quelque chose de difficile. Il n’y a pas que le pilotage qui rentre en considération. Certains pilotes passent en mondial pour bien d’autres raisons. Mon objectif pour 2015 et de terminer dans le Top5. Le Top10 sera accessible et il faut que je sois au maximum dans le Top5. Il faut aussi que je termine sur des podiums, la victoire serait bienvenue, afin de me faire remarquer pour les saisons d’après. Suivant les résultats que je réaliserai, j’ai pour objectif de passer en Grand Prix. C’est mon but mais il est encore trop tôt pour en parler.
- Quel est ton programme pour la période hivernale ?
Beaucoup de préparation physique. Je vais essayer de faire le maximum de séances sur circuit. Je n’ai malheureusement plus de Moto3 suite à ma chute au Mans lors du CEV. On me prête une 600cc et je suis entrain de prospecter pour obtenir une Supermotard afin d’apprendre l’utilisation du frein arrière et de maitriser la glisse à l’accélération. Je pense aussi réaliser quelques sessions d’enduro et de trial. Je devrais participer à quelques épreuves du FSBK parce que je pense que c’est essentiel pour la FFM. J’aimerais, dans la mesure du possible, pouvoir participer au CEV. Je n’en oublie pas aussi l’école, je suis en Terminale. Je pars du principe que tout peut arriver en moto et je serais content de pouvoir avoir une solution de secours à côté.