Dans cet article exclusif, nous nous intéressons à la notion de dopage dans le sport moto. Sans rentrer dans la polémique, le sport moto en général n’est pas sujet, comme peuvent l’être d’autres sports plus sensibles, à la prolifération de scandales autour du dopage. C’est en grande partie grâce à la réglementation stricte imposée par la Fédération Internationale de Motocyclisme et plus particulièrement grâce aux travaux réalisés en coulisse par la Commission Médicale Internationale que la lutte antidopage s’avère, sans conteste, efficace.
À ce sujet, nous avons rencontré Évelyne Magnin, Coordinatrice de la Commission Médicale Internationale de la FIM avec laquelle nous revenons sur les notions de lutte antidopage : contrôles, moyens mis en oeuvre et, le cas échéant, procédures de sanction.
- Pouvez-vous présenter le métier de « International Medical Commission Coordinator » et de son rôle au sein de la FIM ?
La Coordinatrice de la Commission Médicale Internationale (CMI) est responsable de toutes les questions liées au Médical au sein de l’administration de la FIM. Elle reporte au Directeur Exécutif Sport de la FIM et travaille en étroite collaboration avec le Directeur et les membres de la CMI sur l’évolution du Code Médical FIM, l’organisation des nominations des médecins sur les courses, la préparation des séminaires et des différentes réunions annuelles de la CMI. La coordinatrice est également chargée de l’organisation des contrôles antidopage en et hors compétition. Elle établit et gère un groupe cible de coureurs soumis à des contrôles antidopage hors compétition. Elle veille à ce que la FIM respecte le code de l’Agence Mondiale Antidopage adopté en 2004. Elle collabore étroitement avec l’ensemble des commissions sportives au sein de la FIM et avec les Fédérations Nationales.
- Combien de personnes composent l’équipe médicale de la FIM ? Quelles sont les activités médicales de l’équipe ?
La CMI est composée de 14 médecins de diverses nationalités incluant le Directeur. Les membres de cette commission peuvent être inspecteurs de circuits, instructeurs de séminaire assurant la formation des Chefs de Services Médicaux et des Directeur Médicaux en Mondial Superbike et en Grands Prix de Motocross. La CMI établit les règles du Code Médical FIM, veille à ce que les installations médicales soient conformes (emplacements des ambulances, nombre de postes de secours, équipement du centre médical, hélicoptère, personnel médical, etc.) sur les circuits toutes disciplines confondues. La Commission Médicale FIM organise et anime les séminaires de formation des médecins souhaitant obtenir une licence FIM de Chef de Service Médical leur permettant d’être nommés comme officiel FIM sur les courses.
- Le dopage est une notion complexe dont on ne connait pas grand-chose hormis les méfaits qui en découlent, pouvez-vous en donner une “définition” ?
J’adhère entièrement à la définition qui décrit le dopage comme contraire à l’essence même de l’esprit sportif dont les valeurs devraient être de ne pas tricher et être honnête, de préserver sa santé, d’exceller sans artifices, de respecter les règles et ses concurrents, d’avoir du courage et un esprit de solidarité.
- Lors de notre discussion à Valencia, vous me confiiez que la FIM couvre des dizaines de disciplines dans le sport moto. Sur l’ensemble de ses disciplines, combien de contrôles sont effectués en moyenne chaque saison ?
Sur l’ensemble de ses disciplines, la FIM effectue une centaine de contrôles antidopage par année.
- Quelle est la procédure d’un contrôle antidopage ? Est-ce la même pour toutes les disciplines ?
Nous travaillons avec un prestataire de services spécialisé dans les contrôles antidopage. Nous établissons un calendrier de nos contrôles en début de saison et le soumettons à notre prestataire qui organise la venue d’agents de contrôle sur nos manifestations. Ils sont habilités et accrédités par l’Agence Mondiale Antidopage pour prélever les échantillons d’urine et/ou de sang sur les pilotes. La procédure est la même sur toutes nos manifestations. Des vidéos relatives aux contrôles antidopage sont disponibles sur notre site FIM-LIVE.COM à cette adresse.
- Dans un dossier consacré à la récupération des pilotes après blessure que nous avons développé sur notre site (voir ici), les pilotes sont parfois dans l’obligation de suivre un traitement médicamenteux, doivent-ils vous faire part de leur traitement (pour éviter une éventuelle prise de médicaments considérés comme dopant) ? Et pour un simple rhume (prise d’antibiotiques) ?
Lorsqu’un pilote doit suivre un traitement comportant des substances interdites (se référer à la liste des substances et méthodes interdites de l’Agence Mondiale Antidopage, disponible sur notre site FIM et dans notre Code Antidopage), il doit remplir avec son médecin traitant un formulaire qui est une demande pour une autorisation à des fins thérapeutiques (AUT, également sur notre site) qui est ensuite étudiée par un groupe de médecins FIM qui décident si le pilote est autorisé à suivre le traitement prescrit pour autant qu’il n’existe pas un traitement alternatif ne nécessitant pas l’usage de substances interdites. J’attire également l’attention sur le fait qu’un pilote doit être prudent avec toutes sortes de compléments alimentaires qui pourraient être susceptibles de contenir des substances interdites. Nous les encourageons à bien lire la liste des ingrédients et en vérifier son contenu avec un médecin.
- À ce sujet, y a-t-il une sensibilisation des pilotes sur la lutte antidopage (conférence, contrôles non officiels) ?
Nous avons organisé des briefings antidopage en courses sur route lors du Grand Prix d’Espagne à Jerez aux pilotes des 3 classes et un briefing équivalent à Assen lors d’une épreuve des Championnats du Monde FIM de Superbike, Supersport et Coupe du Monde Superstock 1000cc. Nous avons également organisé un briefing pour les jeunes en Speedway et en Motocross. Nous allons poursuivre nos actions de sensibilisation et d’éducation auprès des jeunes et de leurs aînés et prévoyons d’intégrer un programme éducatif pour tous les détenteurs de licences coureurs FIM.
- Vous m’avez parlé d’un serveur central sécurisé, est-il possible de nous en dire plus ?
L’Agence Mondiale Antidopage a créé un programme en ligne, hautement sécurisé qui s’appelle « ADAMS ». Il permet aux fédérations internationales sportives de créer des profils d’athlètes et ensuite d’y insérer les résultats de contrôles antidopage, par exemple. Les coureurs faisant partie de notre groupe cible de contrôles hors compétition se servent également de ce programme pour y inclure leur emploi du temps 365 jours par an. Ce programme centralise toutes les informations antidopage les concernant.
- Récemment, Anthony West a été contrôlé positif puis sanctionné, quelle est la procédure après un contrôle positif (double contrôle, cours disciplinaire, sanction) ? existe-t-il plusieurs niveaux de sanction ?
Lorsqu’un coureur est contrôlé positif sur la base de l’analyse de son échantillon A, le laboratoire (accrédité par l’AMA) ayant procédé à l’analyse informe la FIM. La FIM ouvre alors une procédure contre le coureur. En fonction de la substance, la FIM doit quelques fois suspendre le coureur provisoirement. Dans tous les cas, elle informe le coureur du contrôle positif tout en le rendant attentif à ses droits, notamment à son droit de requérir l’analyse de l’échantillon B. Si le coureur renonce à demander l’analyse de l’échantillon B du prélèvement ou si celui-ci se révèle également positif, le dossier est alors transmis à la Cour Disciplinaire Internationale de la FIM (CDI). Le coureur est dûment invité à expliquer le résultat positif ; une audience est organisée selon la procédure prévue par le Code Disciplinaire et d’Arbitrage de la FIM. Après avoir dûment entendu le coureur, la CDI (qui peut être composée d’un juge unique ou de trois juges) rend sa décision qui se fonde sur l’application du Code Antidopage FIM.
La décision de la CDI est communiquée au coureur, à son agence antidopage national et à l’AMA. Le coureur et l’AMA peuvent recourir contre la décision de la CDI auprès du Tribunal Arbitral du Sport (TAS), sis à Lausanne, Suisse.
Les sanctions à l’encontre des coureurs sont prévues à l’Article 10 dudit Code. En l’absence de circonstances aggravantes qui sont susceptibles d’engendrer une suspension de quatre ans (trafic de substances interdites p.ex.), une première violation des règles antidopage est actuellement passible d’une suspension de deux ans ; cela signifie que pendant cette période il ne pourra participer à aucune compétition sportive officielle. Si le coureur est en mesure de prouver à la CDI comment la substance interdite s’est retrouvée dans son organisme et qu’il démontre également une absence de faute ou de négligence (ou de faute ou négligence significative) par rapport au fait d’avoir été testé positif, la période de suspension normalement applicable peut être réduite voire même annulée. Dans tous les cas, les résultats obtenus par le coureur lors de la manifestation au cours de laquelle le contrôle a eu lieu sont automatiquement annulés.
Nous tenons à remercier chaleureusement Évelyne Magnin et plus généralement la Fédération Internationale de Motocyclisme pour les réponses à nos interrogations à propos de ce sujet quelque peu sensible mais néanmoins important dans le sport moto de haut-niveau.