Lors de l’événement Alpinestars qui a eu lieu les 7 et 8 Juin dernier chez MAXXESS Bordeaux, les deux Champions Freddie Spencer et Marc Marquez se sont adonnés à un exercice difficile, celui de la Conférence de Presse. Un flot de questions pour un nombre considérable de réponses très intéressantes, ce qui n’est pas surprenant aux vues des palmarès respectifs des deux invités.
Evidemment, l’équipe d’OffBikes était au rendez-vous, et cet article a pour but de livrer, telle quelle, la retranscription des quinze premières minutes de cette conférence. Un sorte de gigantesque interview croisée de deux « monstres » de la compétition moto, dont les questions étaient posées par Messieurs Sébastien Charpentier (consultant Eurosport) et Thomas Baujard (rédacteur Moto Journal).
- Pour commencer, pouvez-vous nous confirmer que c’est la première fois que vous vous rencontrez ?
Freddie Spencer : Oui absolument, nous nous sommes rencontrés pour la première fois ici-même il y a une heure !
- Freddie, que penses-tu du fait que Marc ait battu ton record d’âge en qualification à Austin ?
F.S. : Comme je l’ai dit sur Twitter, je trouve ça super ! C’est un très bon jeune pilote, et j’ai beaucoup de respect pour la façon dont il roule, en repoussant toujours les limites. Le plus drôle, c’est que Marc a battu ce record que j’ai moi-même établi un 4 Juillet il y a bien longtemps, et pourtant je m’en souviens comme si c’était hier. Un jour, quelqu’un battra également le sien, mais peut-être pas dans plus de 30 ans, donc je me sens privilégié, et je suis sûr que lui aussi, d’avoir la chance de piloter à ce niveau de compétition aussi jeune. À l’époque, je n’avais absolument pas idée du fait que j’allais établir un record quelconque, ni du temps que cela durerait. Mais j’ai pour philosophie que tout arrive pour une raison, alors le fait que Marc arrive maintenant et avec le talent qui est le sien, c’est non seulement super, mais ça n’est pas un hasard. C’est une très bonne chose pour notre sport. Et puis après tout, j’ai encore quelques records sous le coude en Championnat du Monde… (rires)
- Marc, est-ce que tu t’intéresses un peu à l’Histoire du sport moto ?
Marc Marquez : Oui, bien sûr. Je regarde souvent des vidéos du passé, parce que c’est toujours intéressant de voir la façon incroyable dont les pilotes roulaient à l’époque sur certains circuits qui sont les mêmes que nous. Mais bon, c’est l’Histoire, c’est du passé ! J’espère faire partie de celle du future et pendant plusieurs années…
- Et quel est ton opinion sur la carrière de Freddie ?
M.M. : Au sujet de Freddie, il fait partie de ces grands Champions dont j’ai regardé le plus les exploits en vidéo. Et je dois dire qu’on se ressemble, il était comme je suis aujourd’hui, toujours à pousser au maximum. En plus de cela, il courrait et gagnait dans deux catégories le même Dimanche, une chose inimaginable et impossible à battre aujourd’hui.
- C’est vrai que ça doit-être très compliqué, non, Freddie ?
F.S. : Honnêtement non, j’ai commencé la moto très tôt. La clé, c’est d’être capable de piloter plusieurs motos différentes, ce que beaucoup de gens peuvent faire, et qui est très intéressant. Le plus difficile, en réalité, était la proximité des horaires de courses entre elles : je descendais de la moto, montait sur le podium et remontait directement sur la moto suivante, je n’avais pas vraiment de temps pour m’asseoir ou me rafraîchir dans le paddock, c’était du non-stop. Mais j’avais une excellente équipe, et il n’y a aucun doute que ma capacité à gagner dans plusieurs catégories était liée à ma super équipe : Jeremy Burgess évidemment, ainsi que tous mes très bons mécaniciens.
- Marc, que penses-tu de cette chose Historique que Freddie a réussi à faire, soit être titré en 250cc et en 500cc la même année ?
M.M : C’est totalement incroyable, c’est ce qui est le plus impressionnant pour moi dans sa carrière. Comme je le disais, je ne peux pas imaginer une telle chose aujourd’hui, courir en Moto2, gagner, et puis courir en MotoGP et gagner également ! Cela montre qu’à l’époque, les pilotes étaient vraiment très forts, et avaient une incroyable condition physique : personnellement, sur certains circuits comme la Malaisie, il fait tellement chaud que lorsque je termine ma course, je suis tellement épuisé que je ne risque pas de faire une autre course !
- Donc tu penses que ce serait quelque chose de totalement impossible à notre époque ?
M.M. : Je pense qu’il faudrait commencer par revoir les règles pour le permettre, en diminuant le nombre de tours par exemple ? Mais je ne sais pas, de toute façon sans essayer on ne peut pas savoir. Ce dont je suis sûr, c’est que ce ce serait extrêmement difficile.
- Freddie, te souviens-tu comme Marc avoir déjà posé le coude sur le bitume ?
F.S. : Ça, c’est une chose impressionnante ! En réalité, j’avais moi aussi des sliders à ce niveau là, mais je crois que les seuls moments où je les utilisais, c’est quand je tombais (rires) ! Donc oui, c’est cool, c’est un style superbe que j’adore regarder. C’est intéressant, car l’évolution de la façon de bouger sur une moto a commencé bien avant mon époque. Moi-même, il y a certaines choses que j’ai faites, comme sortir le genou, en observant ceux qui le faisaient avant moi. Donc c’est intéressant, il y a toujours des façons différentes de travailler avec une moto. À l’époque où j’ai commencé, il y avait moins de références, nous commencions avec de toutes nouvelles machines. Mes 3 ou 4 premières années à piloter une moto, à repousser les limites de la performance sans avoir aucune référence, ont été très compliquées. Par exemple, entre le meilleur temps des qualifications entre le GP de Belgique de 1982, et celui de 1983, il y avait 7 secondes de différence ! C’était difficile de pousser la Yamaha et de l’emmener à un niveau qu’on ne soupçonnait pas encore, avec des pneus qu’on découvrait… Je me souviens qu’à mi séance le Samedi, il m’arrivait souvent de dire « Je n’ai absolument aucun moyen d’aller plus vite, il n’y a pas la place de faire un meilleur chrono ! » et j’améliorais d’une seconde dans l’après-midi. Comme le disait Marc, c’est un peu la même chose aujourd’hui dans la mesure où il y a l’électronique, et encore bien d’autres nouvelles composantes avec lesquelles il faut être capable de travailler. Mais c’est ce qui est génial dans la compétition moto, c’est de toujours aller plus vite, et d’être en permanence en train de repousser les limites pour voir jusqu’où on peut aller.
- Es-tu impressionné par l’immense évolution qu’ont connu les motos depuis ?
F.S. : Oui, bien sûr, et je pense que la chose la plus importante est la capacité que l’on a maintenant de contrôler et de gérer la puissance des motos. Mais cela fait aussi beaucoup de nouveaux éléments à comprendre, à intégrer et à gérer pour le pilote et les mécaniciens, il y a tellement de réglages et d’ajustements possibles aujourd’hui. Donc oui, bien sûr je suis impressionné par tous ces changement qui ont permis une véritable évolution au niveau de la puissance et de la vitesse des motos de GP. Au tout début du MotoGP, le retour des pilotes était que l’électronique était très « réactif », il s’adaptait au pilotage. Aujourd’hui, il semblerait que le système soit plus « proactif », qui s’adapte aux conditions et modifie le comportement de la moto, ce qui oblige le pilote à s’adapter à son tour. Les compétiteurs doivent donc travailler là dessus, car c’est une excellente évolution, et c’est ce qui permet par exemple à Marc de faire un aussi bon travail en piste.
- Récemment, Freddie nous a confié que son virage favori était le « Blanchimont » sur le circuit de Spa. Marc, as-tu un virage préféré parmi les circuits du Championnat du Monde ?
M.M. : Il y a beaucoup de virages que j’apprécie énormément, mais mon préféré, je ne sais pas. Mon circuit favori, par contre, serait peut-être Aragon. Je n’ai jamais songé à définir mon virage favori, mais en règle général, j’aime les courbes très rapides, et aussi les virages où il faut changer d’angle très rapidement.
- Et depuis ton arrivée en catégorie MotoGP, quelle est la course que tu as préféré ?
M.M. : Sans aucun doute la course à Austin. Je ne saurais pas expliquer pourquoi, car ce n’était pas une course facile, mais c’était une bonne course pour une première fois. J’ai aussi beaucoup aimé roulé au Mans sur le sec, et aussi au Mugello que j’ai commencé à apprécier le Dimanche.
- Marc, quel est ton sport favori après la moto ?
M.M. : Probablement le foot, et j’aime aussi beaucoup le V.T.T. !
- Freddie, connais-tu un peu le foot ou es-tu plus familier des sports Américains ?
M.M. : Oui bien sûr, je connais un peu le foot Européen ! Au lycée, je jouais au Football Américain, un peu comme tous les garçons de mon âge. J’ai aussi joué au BasketBall en Championnat Universitaire, et j’ai vraiment adoré ça. J’ai aussi joué rapidement au Tennis et au Golf. À vrai dire, j’aime un peu tous les types de sports !
- Freddie, tu as compris grâce à ceux qui t’ont précédé comment réduire l’écart entre les chronos, Marc, tu as appris énormément en suivant Dani Pedrosa et Valentino Rossi au Mugello. À quel point est-il difficile de garder ses secrets de pilotage pour soi ?
M.M. : Pour les secrets du MotoGP, je ne suis pas en mesure de le dire… Mais de toute façon s’il y avait des secrets, je ne vous en parlerais pas ! Mais comme tout le monde le dit, le seul secret, c’est « moins de freins, plus de gaz ! » (rires) De toute façon, on ne sait jamais où se trouve la limite, il ne faut jamais rien prendre pour acquis : même si on va vite, on peut toujours aller encore plus vite. Chaque année, chaque circuit, tout est améliorable, et les chronos s’améliorent en même temps que les machines, que les pneus, notamment le pneu avant qui a énormément progressé.
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Fin de cette première partie, en attendant la suite qui arrivera très prochainement sur OffBikes.
Un grand merci à Marc Marquez, Freddie Spencer, et aux équipes de MAXXESS Bordeaux pour nous avoir permis d’assister à cette conférence.
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Propos recueillis par Tom et retranscrits par Line.