En cette journée un peu maussade du Samedi 8 Juin, une semaine seulement après le spectaculaire GP du Mugello, OffBikes était un des rares média Français à se déplacer dans la ville de Bordeaux afin de rencontrer deux immenses Champions de deux générations différentes, le mythique Freddie Spencer et le prometteur Marc Marquez. L’occasion de les interroger, ensemble, sur l’actualité et le futur de la catégorie MotoGP.
- Freddie, pour commencer, ton record d’âge a récemment été battu par Marc Marquez lors des qualifications sur le circuit d’Austin. Que penses-tu de Marc et de son potentiel ?
Freddie Spencer : Je pense que c’est génial, j’en ai tout de suite été informé sur Twitter par mes fans. Je sentais qu’Austin serait le bon circuit pour lui. C’est une superbe nouvelle pour Marc qui vient d’arriver, et une excellente nouvelle également pour notre sport, qui est un tout petit monde très fermé. C’est aussi une bonne chose pour le team HRC dans lequel j’ai moi même été impliqué à mes débuts en Grand Prix. J’aime la façon dont Marc envisage la compétition moto, je la comprends, il aime pousser ses capacités au maximum et faire les choses à sa façon, ce que je respecte.
- Actuellement, la catégorie MotoGP rencontre quelques soucis – trop peu de motos, le débat sur les sanctions, sur un règlement très strict, etc. Comment vois-tu l’avenir de la MotoGP ?
F.S. : Pour moi, le plus important dans l’avenir de la catégorie MotoGP, c’est le recrutement des talents, et les équipements disponibles, parce qu’à la fin du week-end, tout ce qui compte, c’est la course. Je pense que le fait que les règles aillent dans le sens de la diminution des coûts – que ce soit avec les motos privées, les CRT, le programme de location de Yamaha – donne des opportunités à de nouveaux et de plus nombreux pilotes. Parce qu’il y aura toujours trois ou quatre types au dessus du lot, comme il y a actuellement Marc, Dani, Valentino, Jorge… et c’est normal, mais le reste du plateau est tout de même nécessaire. C’est important d’avoir une grille de départ fournie, ne serait-ce que pour les sponsors, l’exposition médiatique, l’intérêt du public. Car sans le public, sans les fans qui outre le soutien, nous apporte de la visibilité, et donc de l’argent, nous ne serions que des talents bruts, et nous ne serions pas en mesure de faire ce que nous faisons, dans de tels championnats. Nous devons donc nous assurer d’en prendre soin et de leur offrir du beau spectacle, ce qui implique un plateau plus étoffé.
- Et toi Marc, qu’en penses-tu ?
Marc Marquez : Moi aussi, j’espère que dans le futur, il y aura plus de motos en catégorie MotoGP, mais j’aimerais qu’elles aient toutes le même niveau de performance. Car c’est ce que les fans, mais aussi les pilotes, aiment le plus. Car en termes de course pure, je dois dire qu’il y a plus de plaisir à rouler en Moto2 qu’en MotoGP. Un pilote aime rouler en MotoGP parce que la moto est puissante, et qu’il s’agit de se battre avec les meilleurs pilotes au monde sur les meilleurs machines au monde. Le soucis, c’est qu’en MotoGP, sur une course tu doubles quoi, trois ou quatre pilotes. En Moto2, si tu te bats dans le groupe de tête, tu en doubles aussi trois ou quatre, mais dans un seul tour ! C’est ça qui est le plus agréable pour nous et le plus spectaculaire pour les fans, et j’espère que dans le futur, la catégorie MotoGP va suffisamment s’étoffer pour se rapprocher de ce genre de courses.
- Marc, tu es souvent comparé à Valentino Rossi – dont tu es un grand fan, comment le vis tu ?
M.M. : Je suis très flatté quand on fait cette comparaison parce que j’ai énormément de respect pour Valentino Rossi. Je le prends de façon très humble, pour moi c’est une bonne chose car si on me compare à lui, cela veut dire que je suis sur la bonne voie pour faire de grandes choses. Mais le plus important pour moi est déjà de rouler en catégorie reine et dans un très bon team usine, rouler au niveau de Valentino Rossi, c’est tout de même quelque chose de très difficile. Donc j’entends le compliment, j’en tiens compte, mais je ne me fie pas non plus à ce que les gens pensent. Ce serait trop facile de me dire : « Tout le monde dit que je suis aussi fort que Rossi, alors tout ira bien ! » Je sais que je dois continuer à beaucoup travailler pour atteindre un niveau tel que le sien.
- Un autre Champion Italien, Loris Capirossi, a dit qu’il pensait que tu étais en mesure d’être Champion du Monde dès cette année. Qu’en penses-tu, alors que tu es déjà 3ème au classement général ?
M.M. : C’est un très beau compliment de la part d’un pilote pour lequel j’ai énormément de respect. Loris a couru de très nombreuses années en Championnat du Monde et a battu avec tant de grands pilotes ! Je l’apprécie, il m’apprécie, et je suis très touché qu’il pense un telle chose. En tout cas, je commence à me sentir de plus en plus à l’aise sur la moto, et c’est très important, mais pour remporter un titre, il faut de l’expérience, un peu de chance et beaucoup de travail, pas seulement du talent. Donc nous verrons bien, pour l’instant je vis chaque course une par une, et je ne me mets pas de pression.
- Après le GP d’Italie, Pedrosa a avancé que tu avais utilisé ses réglages, partagez-vous réellement vos réglages ou était-ce exceptionnel ?
M.M. : Honnêtement, je ne sais pas pourquoi Dani a dit ça, parce que dans les faits, c’est une chose que nous ne pouvons absolument pas faire. Nous sommes deux compétiteurs au style très différents, avec des façons de piloter et d’envisager la course également différentes. Mais s’il l’a dit, il a sûrement ses raisons. Nos équipes partagent probablement certaines informations techniques.
- Toi qui vient juste de quitter la Moto2, comment vois-tu la catégorie aujourd’hui ? Qui est ton favori pour le titre cette saison ?
M.M. : Cette année, la catégorie Moto2 est très intéressante, car à chaque course, il y a énormément de pilotes différents capables de jouer la victoire. L’année dernière, nous étions nombreux à nous battre devant, mais c’était toujours les mêmes d’une course à l’autre. Cette année, pas du tout, à part un ou deux comme Scott Redding ! Je pense donc que le plus important en Moto2 cette année sera d’être constant, et sur ce point, Redding a véritablement franchi une étape. L’année dernière, il était déjà rapide, mais pas assez régulier. Le changement de la règle concernant le poids moto/pilote est aussi un nouvel avantage pour lui, mais ce n’est sûrement pas ce qui a déclenché ses performances de cette saison, le changement n’est pas si important que ça. Avec mon team, nous avons calculé le poids que j’aurais du avoir si j’étais resté en Moto2, et au final, j’aurais encore pu me permettre de prendre encore 1 ou 2 kilos… Pol Espargaro, par exemple, fait le même poids que l’année dernière et ça ne change rien pour lui. Donc je ne pense pas que ce soit un point crucial pour Scott Redding, qui a surtout changé son style et évolué dans sa mentalité. Pour moi, la plus grosse question concerne Pol Espargaro, car il n’a pas été à son meilleur niveau ces derniers temps, mais je pense qu’il va revenir très fort bientôt.
- Freddie, en tant que pilote Américain, que penses-tu de la contre-performance de Ben Spies depuis le début de saison ? N’aurait-il pas fait mieux de retourner en Superbike ?
F.S. : Je me sens vraiment très mal pour Ben, à l’époque où il dominait la Superbike, je travaillais avec Speed Channel et je le voyais tellement performant, tellement au dessus du lot sur sa Yamaha. Tout le monde l’attendait en MotoGP, sur cette moto qui devait si bien lui convenir… Et honnêtement pour ma part, il enchaîne juste de très gros épisodes de malchance ! J’adore Ben, c’est quelqu’un de super, et voir un mec aussi bien et aussi talentueux lutter autant, c’est très difficile.
- Kevin Schwantz s’engage aux 8h de Suzuka cette année, est-il envisageable de compter sur une participation de Freddie Spencer un de ces jours ?
F.S. : Oula non ! (rires) Je souhaite le meilleur à Kevin, vraiment, mais moi, pas moyen ! J’ai adoré courir chaque week-end aux côtés de très grands pilotes tels que Wayne Gardner ou Kevin Schwantz, je me suis régalé en 500cc, vraiment, nous nous sommes bien amusés et évidemment je trouverais ça très sympa qu’on puisse à nouveau rouler tous ensemble un jour, mais non, ce n’est pas pour moi. J’espère que Kevin fera une belle course et je le regarderai à la télé, sans faute ! (rires)
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Un immense merci à Marc Marquez et Freddie Spencer pour leur gentillesse, leur disponibilité et pour avoir répondu à toutes nous questions.
Merci également à Maxxess Bordeaux et Alpinestars pour avoir rendu cette entrevue possible et nous avoir fait confiance.
Pour plus d’infos et de discussions sur le jeune champion Espagnol, retrouvez ici le Fanclub Officiel Français de Marc Marquez sur Facebook : FCO Marc Marquez France.