Les MotoGP, de plus en plus complexes et rapides, n’offrent qu’une très faible marge d’erreur de pilotage. Évidemment, il en a toujours été de même. Auparavant, les moteurs, les pneus ou encore les freins étaient autant de facteurs importants que seul le pilote était en mesure de maîtriser : « Tous les pilotes de l’époque le disaient, quand on remet les gaz, on sert les fesses ! Les 500cc de l’époque avaient de 2000 à 2500 tours de puissance utile, exploitable, » confie Christian Sarron, Champion du Monde 250cc en 1984.
Aujourd’hui, les moteurs sont moins pointus et l’électronique joue un rôle important, « au point de corde, les pilotes peuvent remettre les gaz en grand et c’est l’électronique qui gère », précise Sarron, « mais aller au maximum et à la limite partout, très peu de pilotes y arrivent et c’est toujours le vrai challenge ». L’objectif de l’électronique est double. D’une part, deux systèmes sont conçus pour améliorer la performance de l’ensemble moto-pilote : l’antipatinage et l’anti-wheelie. D’autre part, permettre l’acquisition de données afin d’avoir une analyse fine du pilotage pour compléter le ressenti du pilote. Ainsi, contenir et maîtriser les 260 à 280 chevaux d’une MotoGP constitue toujours l’art subtil du pilotage qui s’improvise de moins en moins et qui, surtout, reste à la seule charge du pilote lui-même. Techniquement, une MotoGP pèse 20kg de plus qu’une 500cc, voire 40kg de plus qu’une 500cc du début des années 1980. Une prise d’angle de 60° représente environ 2g d’accélération (soit deux fois le poids du pilote). Durant les phases d’accélération et de décélération, les pilotes sont confrontés à une accélération d’environ 1.5g, voire 1.6g sur le circuit du Sachsenring, (de 0 à 200km/h en 4s) correspondant à la limite physique d’accélération (wheeling) ou de freinage d’une moto.
En outre, une saison du Championnat du Monde MotoGP s’étale sur une durée de sept mois. Sept mois sur lesquels le calendrier imprime un rythme de 18 épreuves, dont 7 épreuves hors Europe. À titre de comparaison, en 1949, la toute première saison du Championnat du Monde comportait 6 épreuves, toutes localisées sur le sol européen. Une préparation physique et mentale associée à un régime alimentaire et un suivi médicale font-ils la différence en course et sur une saison ? Pour trouver des éléments de réponses, nous avons suivi Mike Di Meglio, pilote de l’équipe Avintia Racing en catégorie Open, sur une journée complète d’entraînement afin de comprendre l’importance d’une préparation physique dans l’appréhension d’une saison MotoGP.
Pour Mike Di Meglio, la saison 2014 est sa première en catégorie reine. Champion du Monde 125cc en 2008, passé en Moto2 dès l’apparition de la catégorie en 2010, il s’était grièvement blessé lors du GP de République-Tchèque à Brno la saison dernière : fracture du sacrum entraînant quatre mois de convalescence. Son passage dans la catégorie MotoGP a donc contraint le pilote français à intensifier son rythme d’entraînement et sa préparation physique.
Bénéficiant du statut de sportif de haut niveau et grâce au partenariat de la FFM, Mike Di Meglio est suivi par le CREPS (Centre de Ressources, d’Expertise et de Performance Sportives) de Toulouse. Le CREPS est une cellule d’accompagnement pour les sportifs de haut niveau. Thomas Baudry est son préparateur physique qui évolue au sein du service médical et qui s’occupe de la rééducation post-kiné des sportifs, autrement nommée la réathlétisation. Il accompagne Mike depuis décembre 2013. Sur l’ensemble des épreuves de la saison, Mike Di Meglio se rend une à deux fois par semaine en moyenne au CREPS : « Le point essentiel de ma préparation est axé autour de la résistance à l’effort. Nous avons plusieurs séances durant un week-end de course, il faut que notre corps soit habitué à récupérer le plus vite possible. » Le programme d’entraînement type s’articule autour de deux thématiques distinctes : préparation physique et séance Supermoto sur circuit.
La préparation physique occupe la majeure partie de l’entrainement. Elle se compose de quatre points : échauffement, équilibre, cardio-respiratoire/musculation et étirements. Thomas Baudry détaille : « La stratégie d’entrainement dépend du moment dans la saison et du pilote. Mais il y a deux points qui restent importants. Le premier est que le pilote puisse tenir une course et être suffisamment lucide pour faire les bons choix. Le second est qu’il soit suffisamment gainé tout étant capable d’enchaîner les mouvements précis et de manière équilibrée sur sa moto. »
Une séance dure 1h20 en moyenne. L’échauffement est classique. Durant cette première phase, il est à noter que le pilote est autonome. Il doit donc prendre garde à ne pas se fatiguer inutilement et à s’hydrater correctement. La deuxième thématique s’attache à la notion d’équilibre. Les exercices d’équilibre n’ont été introduits que récemment dans la préparation des pilotes, toutes catégories confondues. Ces exercices ont pour objectif de mettre le pilote dans des situations de perte d’équilibre ou de maintien en équilibre. 4 à 5 exercices constituent cette seconde phase d’entraînement durant laquelle le préparateur s’assure que le pilote adopte une bonne position, l’assiste et le chronométre pour chaque répétition. Trois minutes de repos permettent au pilote de récupérer et au préparateur de présenter la suite de l’entraînement : un circuit composé d’une petite dizaine d’exercices mélangeant exercices de force (gainage, poids) et exercices cardiovasculaires. Ici encore, le préparateur s’assure de la bonne exécution des exercices et du chronométrage, mais pas seulement. Lors d’une séance, le pilote exécute le circuit à 5 reprises minimum. Les derniers exercices sont évidemment les plus difficiles aussi bien physiquement que mentalement. Le rôle du préparateur est donc de motiver, encourager le pilote dans l’accomplissement correct et surtout complet d’un circuit. De même, il s’intéresse méticuleusement aux différentes douleurs ressenties par le pilote. Par exemple, Mike Di Meglio s’est blessé à la cheville lors du GP des Amériques à Austin. Thomas Baudry prend donc soin d’analyser le niveau de la douleur ressentie par le pilote pour décider de retirer ou de remplacer un des exercices du circuit éprouvant pour cette partie du corps : « L’objectif n’est pas de toujours pousser plus loin le sportif, mais de l’amener vers des objectifs toujours plus optimaux en évitant la blessure au maximum. »
Une fois cette phase terminée, le pilote effectue un retour au calme d’environ 2 à 3 minutes. Il est ensuite rejoint par Thomas Baudry pour les étirements, phase importante après un exercice intense : éviter les blessures ou les crampes, mais aussi pour augmenter la souplesse. La souplesse d’un sportif et en particulier d’un pilote permet à celui-ci d’appréhender au mieux une éventuelle chute. Durant les étirements, Mike Di Meglio et son préparateur dressent un bilan de la séance et évaluent les besoins pour la séance suivante. Le préparateur, habitué à accompagner les sportifs après blessures, analyse les raideurs ou les douleurs du pilote afin de déterminer les parties du corps qu’il est nécessaire de reposer avant le prochain GP. Le repos est tout aussi important que l’entraînement lui-même.
Parallèlement à cet entrainement intense, Mike Di Meglio confie ne pas suivre de régime alimentaire strict : « Dès mes premières visites au CREPS, nous avons essayé d’améliorer chaque point de mon entraînement, dont quelques ajustements au sujet de la nutrition. » Lors d’un week-end de course, un pilote MotoGP perd, en moyenne, entre 1 et 2 kg. Une bonne hydratation est évidemment une notion particulièrement respectée par chaque pilote. Malgré une présence imposante au sein du paddock, les boissons énergisantes sont bien entendu exclues. Quelques pilotes utilisent toutefois un soluté de réhydratation (eau et minéraux) nécessaire à une bonne récupération entre chaque séance.
À l’issue de cette première phase de la préparation, nous avons demandé à Mike Di Meglio l’influence de la prise de masse sur le pilotage de son Avintia GP : « En MotoGP, le poids est clairement moins important que dans les autres catégories. Il est surtout important de pouvoir piloter la moto correctement du début à la fin d’une course et non l’inverse : ne pas se faire embarquer par la moto. » De son côté, Thomas Baudry précise : « Nous n’avons pas un suivi du poids strict. Mike le ressent très vite et connaît parfaitement son poids de forme. Le but est de ne pas avoir un développement musculaire en terme de volume. L’objectif est une résistance à l’effort et de pouvoir prendre les bonnes décisions motrices au bon moment. » À noter que certaines partie du corps ne sont pas travaillées lors de la préparation physique de Mike tels que les avants-bras. Eric Garcia, manager de Mike confie : « Les bras sont une partie du corps que Mike travaille très peu, le pilotage de la MotoGP suffit à entraîner ce point précis. »
Deuxième thématique de l’entrainement de Mike Di Meglio, les séances de roulage Supermoto permettent au coureur de travailler sur plusieurs points de son pilotage : « Durant la saison, en plus des séances au CREPS, j’essaie de rouler entre les courses pour continuer à travailler sur les points que je souhaite parfaire. Je roule le plus souvent sur le circuit de Muret (Karting de Haiute-Garonne) près de Toulouse. » Le choix de la Supermoto est simple : maîtrise de la glisse en entrée et sortie de virage important sur une MotoGP.
L’entrainement de Mike Di Meglio entre deux épreuves est donc chargé. Le temps libre permet à Mike de reposer son corps afin de lui imposer le rythme d’un week-end de course complet composé de 7 à 8 séances sur piste.
Et durant la trêve, quel est le programme ? « Il y a forcément des différences et des évolutions », précise Thomas Baudry, « nous ne faisons pas la même chose selon que nous soyons en période de courses ou en période de coupure. Sans rentrer dans les détails, nous avons un gros point de préparation qui se fait lorsque le temps de coupure est suffisamment important afin de combler quelques points que nous estimons importants et revenir d’autant plus performants lors de la reprise. »