Dans les prochains jours, Honda, Ducati et Yamaha devront arrêter le développement de leur logiciel pour commencer à s’accorder sur le logiciel unifié qui sera obligatoire à partir de la saison 2016. Lors du Grand Prix de Catalogne, OffBikes a rencontré Corrado Cecchinelli, Directeur de la Technologie MotoGP, afin de préciser le processus de développement du logiciel ainsi que le planning jusqu’à l’échéance de la saison 2016. Enfin, dans cette entrevue Corrado Cecchinelli en profite pour donner sa vision du futur de la catégorie MotoGP pour les saisons à venir.
- Qu’est-ce que le logiciel unifié ?
Ce logiciel se nommera effectivement « unified software » ou logiciel unifié. Ce sera le logiciel utilisé à partir de la saison 2016 et la distinction entre pilotes Open et pilotes Factory n’existera plus. Il n’y aura plus de distinction non plus pour les pneus ou les autres concessions. Aujourd’hui, cette distinction existe, en particulier pour le logiciel. D’un côté, il y a le logiciel Open disponible pour tous les pilotes même les pilotes Factory, même si aucun ne l’utilise. De l’autre côté, les pilotes Factory utilisent le logiciel propriétaire de leur constructeur.
Aux alentours d’avril, nous avons livré la première partie du logiciel unifié concernant les aspects moteurs. À la mi-juin, nous avons livré la deuxième partie du logiciel unifié qui comporte la gestion du châssis. Cela signifie que le logiciel est désormais complet. Comme décidé conjointement par Ducati, Honda et Yamaha présents en 2014 lors de la rédaction de ce règlement, ce logiciel unifié sera différent du logiciel Open puisqu’il doit fonctionner sur les machines usines. Il devra néanmoins suivre la même stratégie de développement que le logiciel Open à savoir le partage des connaissances et le développement géré par la Dorna.
- Tous les constructeurs concernés par le logiciel unifié doivent geler la version actuelle de leur propre logiciel, pouvez-vous nous en dire plus sur les prochaines étapes ?
À la fin du mois de juin, les logiciels propriétaires utilisés par les Factory seront gelés. À partir de ce moment, seuls les constructeurs ayant accepté de geler leur logiciel (ce n’est pas une obligation) parmi Ducati, Yamaha et Honda pourront partager leurs connaissances et leurs opinions afin de faire des propositions d’évolution. Si les propositions ne sont pas acceptées à l’unanimité, nous, Dorna, n’en tiendrons pas compte. Dans le cas contraire, nous ajouterons ces propositions au sein du logiciel tôt ou tard selon les contraintes techniques associées. De notre côté, en l’absence de proposition, nous pouvons naturellement faire évoluer le logiciel. Dans ce cas, nous devrons obtenir l’unanimité. Si Ducati, Yamaha et Honda sont en quelque sorte les “pères de la constitution”, car présents en 2014, Suzuki et Aprilia auront droit de faire des propositions, mais pas celui de voter ou de veto. Pour 2016, tout reste encore à décider et il est possible que de nouveaux constructeurs se joignent aux trois autres à commencer par Suzuki et Aprilia ou encore KTM un peu plus tard.
L’étape suivante sera l’introduction du logiciel unifié pour la saison 2016. À ce jour, personne ne peut dire si ce sera une version du logiciel actuel ou une version du logiciel agrémentée des propositions des constructeurs.
- Le boitier (hardware) provient de Magneti Marelli, êtes-vous aussi en étroite collaboration avec Magneti Marelli pour le développement logiciel (software) ?
Aujourd’hui, Magneti Marelli peut être apparenté comme le bras de la Dorna. Nous décidons les points que nous souhaitons ajouter au logiciel et les ingénieurs Magneti Marelli s’occupent de les implémenter. Pour le logiciel Open, les équipes souhaitant ajouter des fonctionnalités nous en font la demande puis nous statuons de l’importance de les ajouter ou non. Néanmoins, aujourd’hui la politique est de ne pas faire de mise à jour du logiciel excepté pour des raisons de sécurité ou de débogage. Ce logiciel laissera place au logiciel unifié la saison prochaine.
- Les ingénieurs Magneti Marelli ont-ils la possibilité d’émettre des idées quant au développement du logiciel unifié ?
Magneti Marelli a une très grosse connaissance du sujet. Les ingénieurs sont donc plus actifs que le contrat pourrait le stipuler. En théorie, nous faisons les demandes et ils s’exécutent. Mais en pratique, ils sont proactifs et sont en mesure de rendre le logiciel meilleur. Même si la Dorna décide, je demande leur opinion quant à la pertinence des modifications demandées.
- Concernant le logiciel Open actuel, comment les équipes en disposent-elles ainsi que les mises à jour associées ?
Aujourd’hui, chaque équipe, voire chaque pilote Factory, peut avoir son propre logiciel. Bien évidemment, ce logiciel est propriétaire, confidentiel et non accessible librement. En tant qu’organisateur, nous proposons un logiciel à tous les pilotes Open que nous rendons disponibles sur un serveur spécifique. Tout le monde y a accès via son compte et peut se le procurer à tout moment.
- Le logiciel unifié a pour objectif de réduire les coûts, appréhendez-vous que les coûts se transposent sur d’autres aspects telles que le châssis (comme en Moto2 par exemple) ou le moteur ?
Le premier objectif du logiciel unifié est de réduire les coûts, car c’est un domaine où les constructeurs dépensent beaucoup d’argent. C’est évidemment un domaine où l’argent peut faire la différence. C’est pourquoi nous voulons retirer cet aspect-là de la compétition. L’autre objectif est celui de réduire les écarts entre les constructeurs. Je vois le logiciel unifié comme quelque chose de peut-être moins bon que le meilleur, mais beaucoup mieux que le plus mauvais. Pour le moment, il n’y a rien qui nous pousserait à s’abstraire de cette solution.
- Le fait de devoir utiliser le logiciel unifié, n’est-ce pas une contrainte qui pourrait écarter des constructeurs (anciens ou nouveaux) à faire l’impasse sur la catégorie ?
La première réticence envers le logiciel unifié vient du manque de liberté pour les constructeurs. Mais la vérité se situe entre les deux puisqu’ils ont toujours la possibilité de donner leurs avis. Il n’est pas vrai de dire que les constructeurs sont écartés du développement, ils doivent simplement partager, telle est la nuance. D’un point de vue totalement personnel, je vois, à moyen ou long terme, un logiciel unifié et la possibilité d’y ajouter un ou plusieurs modules propriétaires qui toucheraient des domaines pertinents utiles pour les constructeurs.