À l’issue de la saison CEV 2014, si Fabio Quartararo a apporté un nouveau titre à la France en catégorie Moto3, Thibaut Bertin en a apporté un second en Superstock, catégorie qui évolue au sein même de la catégorie Moto2. Avec 5 victoires et 8 podiums, Bertin a été l’homme à battre cette saison. Retour sur le parcours atypique et solitaire du pilote français, sa saison 2014 et sur ses envies de Moto2 pour la saison 2015.
- Pour ceux qui ne te connaissent pas encore, peux-tu décrire brièvement ton parcours ?
J’ai débuté la compétition en 2010 par le Championnat Promosport. C’était la toute première fois où j’ai roulé sur piste. Pour anecdote, j’ai eu des problèmes avec la moto sur les deux premières courses puis je réalise mon premier podium à Lédenon lors de la troisième course. Lors de ma seconde saison, je perds le titre à Carole sous la pluie. Je me suis ensuite engagé en Pirelli Cup que j’ai remporté une course avant la fin de saison. En 2013, j’ai participé au FSBK en catégorie Supersport. Mauvais pneus, première saison, et le fait d’être pilote privé ont figuré parmi les facteurs qui ont rendu ma saison très compliquée. J’ai pourtant réalisé de belles choses en remportant les courses à Lédenon ou à Nogaro face à des adversaires tels que Lucas Mahias, Valentin Debise ou encore Mathieu Gines.
- Tu as donc décidé de quitter le FSBK pour rejoindre le CEV en fin de saison 2013 ?
Aujourd’hui, je travaille avec Michelin que j’ai rencontré en fin de saison dernière, période durant laquelle j’ai commencé à faire un peu de développement avec eux. Je les ai suivis jusqu’au CEV. En raison des différences qu’il peut y avoir entre les équipes et pilotes en Championnat de France ou simplement pour mon épanouissement personnel, j’ai décidé d’aller voir ailleurs pour m’amuser autrement. J’ai donc gardé la même moto et je me suis donc inscrit en Moto2 en catégorie Superstock en Espagne.
- Tu termines Champion de la catégorie Superstock, quel bilan peux-tu dresser de cette première saison ?
Je ne peux en tirer que de bonnes conclusions. Pour faire simple, c’est une autre mentalité. Les courses sont diffusées sur des chaines nationales et l’affluence sur chaque épreuve est impressionnante. L’organisation est beaucoup mieux pensée rien qu’au niveau de la sécurité puisqu’il y a déjà beaucoup plus de commissaires de piste et les tracés sont bien mieux sécurisés. Le bilan de cette année est donc plutôt positif avec le titre en Stock. J’ai pris énormément de plaisir à rouler sur ces circuits. Chaque weekend de course était une découverte et tout cela m’a permit d’acquérir de l’expérience.
- Te retrouver au milieu des Moto2 était-ce un défi supplémentaire ou parfois une source de frustration de ne pas jouer à armes égales ?
Tous mes week-ends ont été compliqués puisque j’ai découvert les tracés en arrivant sur place. Nous n’avions que deux séances de 30 à 40 min le vendredi afin de pouvoir régler la moto et tout enregistrer. Il fallait que nous fassions attention à tout puisque nous partions avec une feuille blanche. Mon but était d’arriver à me rapprocher au maximum des Moto2, mais ce n’était vraiment pas simple. De plus, ayant un budget limité, nous évitions d’utiliser trop de pneus. Nous réalisions les séances en configuration course afin d’être aussitôt dans le bain le dimanche. Mine de rien, le fait de rouler face aux Moto2, beaucoup plus légères, nous tire vers le haut. Ce sont de jeunes pilotes qui roulent très vite et depuis longtemps. Ils m’ont beaucoup appris en roulant avec eux.
- Hormis le fait d’avoir suivi Michelin en CEV, que te manquait-il en France ?
Mon départ en CEV est principalement lié à mon épanouissement personnel. Je reste persuadé qu’il y a un gros niveau en France avec beaucoup de très bons pilotes tels que Hugo Clere ou Anthony Dumont. Mais malheureusement, on ne donne pas les mêmes chances à tout le monde. Chacun joue à sa manière. Le peu de pilotes officiels fait la différence avec le droit à deux motos par exemple. De même, les pneus et le carburant ne sont pas les mêmes. Quand un pilote utilise du carburant compétition, d’autres pilotes font le plein de leur moto à la station essence du coin. Tout ceci est un engrenage qui ne pousse malheureusement pas les pilotes à rester en France.
- Existe-t-il des différences entre le fait de trouver des sponsors en FSBK et en CEV ?
Le problème reste le même. La moitié de mon budget 2014 provient de mon entreprise. Beaucoup de personnes de mon entourage participent aussi au budget, je ne les remercierais jamais assez. En CEV, la médiatisation est plus importante, mais ce sont les équipes officielles et les pilotes Moto2 qui en profitent le plus. Il faut effectivement de l’argent pour obtenir une bonne moto, mais hormis cela, les pneus et le carburant sont les mêmes pour tout le monde. Quand tout le monde dispose des mêmes pneus et de la même essence, à toi de faire en sorte d’avoir une moto compétitive. En Espagne, les organisateurs ont tout compris. Le contrat avec Repsol nous permet d’obtenir du carburant à seulement 2 EUR le litre, les box et les engagements sont moins chers, les pneus sont distribués par la Dorna donc tout le monde a les mêmes. Ça fait la différence sur l’ensemble d’une saison.
- Quel est ton entourage sur un week-end de course ?
C’est simple. Il y a ma compagne qui m’aide sur toutes les épreuves ainsi que mon mécanicien qui me gère tout l’aspect technique (Mathias Chabany). Je dispose de l’aide d’un préparateur moteur (Lionel Lrancquart) chez moi en France ainsi de suspensions privées en provenance de Delcamp. Mon père m’aide beaucoup dans les démarches de recherches de sponsors.
- En début de saison, Ferran Casas a joué le titre face à toi, était-ce ton plus grand rival ?
Ferran Casas est un très grand pilote qui devait rouler en mondial durant la saison 2014. Apparemment, il n’a pas eu le budget et il a donc participé aux premières manches du Superstock. Il roulait en Moto2 ainsi qu’en 1000cc auparavant, il connaissait donc tous les tracés et disposait d’une bonne moto. Je disposais de la même moto que ma saison en FSBK sur laquelle les réglages se font au ressenti. Je n’ai pas encore le budget pour m’équiper de l’acquisition de données et d’une seconde machine. Casas avait tout ce qu’il fallait sur ses deux motos.
- Face à qui as-tu le plus apprécié te confronter cette saison ?
J’ai principalement comparé les chronos face aux pilotes du mondial Supersport et Superstock. Nous n’avons pas trop mal roulé. Les pneus se comportent plutôt bien malgré le fait qu’ils soient légèrement plus gros puisque nous roulons avec des 200mm. Valence sera mon meilleur souvenir avec une 8ème place au scratch. Nous nous sommes beaucoup rapprochés des chronos des Moto2 tout au long de l’année. Nous roulions dans les même chronos que la TransFIORmers.
- Quel est ton programme durant la trêve et quelles sont tes perspectives pour 2015 ?
Ce que j’espère, c’est de trouver une Moto2 pour continuer d’évoluer en CEV dans l’optique de se faire plaisir et de réaliser, en quelque sorte, son rêve d’enfant : pilote une moto de Grand Prix et viser le podium à chaque course. Je suis en contact avec plusieurs équipes et je dois essayer plusieurs Moto2 durant le mois de janvier. Le projet est là, je me fixe à ça. Il ne reste plus qu’à trouver le budget et c’est mon programme durant la trêve.
- Avec ce titre en poche, as-tu été approché par des équipes ?
J’ai été approché par plusieurs équipes durant la saison pour être l’un de leurs pilotes. Mais ces équipes demandaient des sommes que je n’étais pas en mesure d’assumer comme 30 000 EUR pour seulement 4 courses ou 80 000 EUR pour la saison 2015. Ce n’était pas possible et c’était trop risqué.
- Disposes-tu de relations avec des structures françaises comme C. Boudinot et le projet TransFIORmers qui pourraient te mettre plus rapidement le pied à l’étrier ?
Ce sont effectivement des personnes que je côtoie plus ou moins (je les ai dépanné de l’essence). C’est ce qui s’est passé à Valence puisque c’est Valentin Debise qui roulait sur la TransFIORmers. Ils ont très bien observé ce que j’étais en mesure de faire avec une Yamaha R6 face à eux. Je n’attends qu’une chose : qu’on me donne ma chance.
- Penses-tu que ton âge puisse être un handicap pour ton avenir ?
Oui. Par rapport à ça, on a toujours un a priori. Je regrette énormément de ne pas avoir commencé plus tôt. Mes parents ne m’ont pas plongé là dedans. Aujourd’hui, j’ai 26 ans, il ne faut pas que ça tarde si je dois faire quelque chose de grand et beau. Les saisons passent vite.
- Suis-tu un programme de préparation physique en dehors de courses ?
Je vais en salle sport deux à trois fois par semaine en moyenne. En parallèle, je roule en enduro et fais beaucoup de vélo. Je fais mon maximum pour être à 100% et continuer de pratiquer ma passion à haut niveau.
- En dehors de la compétition quelle est ton activité professionnelle ?
Très tôt, je suis parti chez les Compagnons du Devoir dans le bâtiment. Je travaille autour de l’agencement de plâtre et de la décoration d’intérieur. Je fais ce métier depuis maintenant 15 ans. J’ai terminé ma formation à 20 ans et j’ai commencé la moto ensuite. Après beaucoup de kilomètres sur la roue arrière et sur les chemins de campagne dès mon plus jeune âge, je n’ai jamais quitté un guidon.